Weidmann lors de son discours à l'université Humboldt de Berlin ©Nils Thies

Weidmann : Nous devrions tous davantage contribuer à la lutte contre le changement climatique

Le président de la Deutsche Bundesbank, Jens Weidmann, voit toutes les institutions dans l’obligation de s’interroger sur la manière dont elles peuvent contribuer, dans le cadre de leur mandat, à la lutte contre le changement climatique : « Je suis persuadé que nous pouvons tous faire davantage pour atténuer le changement climatique sans risquer d’entrer en conflit avec nos tâches principales. Et nous devrions faire davantage », a déclaré M. Weidmann dans un discours virtuel tenu à Francfort. En même temps, la répartition du travail et les limites des responsabilités clairement définies entre les différents domaines politiques devraient être respectées.

Tenir dûment compte des risques financiers liés au climat

M. Weidmann a souligné que les banques centrales devraient davantage prendre en compte les évolutions et les risques liés au climat dans leurs analyses et prévisions. « Tant les effets physiques du changement climatique que la transition vers une économie moins intensive en carbone peuvent constituer une source de risques financiers », a-t-il déclaré. Par conséquent, les banques centrales devraient également intégrer les risques financiers liés au climat dans leur gestion des risques. Cela vaudrait aussi pour les risques financiers issus d’opérations de politique monétaire. « L’Eurosystème a donc un intérêt légitime à rendre plus transparent les risques financiers liés au climat », a expliqué M. Weidmann. « À mon avis, nous devrions envisager d’acquérir ou d’accepter en tant que garanties éligibles dans le cadre des opérations de politique monétaire uniquement des titres dont les émetteurs remplissent certaines obligations de déclaration liées au climat », a-t-il poursuivi.

De plus, l’Eurosystème pourrait examiner la question de savoir s’il devrait considérer de recourir uniquement aux notations qui incluent de manière appropriée les risques financiers liés au climat. En prenant de telles mesures, l’Eurosystème pourrait contribuer à promouvoir la transparence du marché et les normes utilisées par les agences de notation et les banques. De cette manière, les banques centrales pourraient agir en tant que catalyseur du changement à l’intérieur du système financier et soutenir les politiques climatiques au sein de l’UE sans aller au-delà de leur mandat.  

Ne pas surcharger les banques centrales

Dans son discours, M. Weidmann a mis en garde de ne pas surcharger les banques centrales. « Des problèmes apparaissent lorsque la politique monétaire, la surveillance financière ou la réglementation bancaire sont mises à contribution à d’autres fins. Chacun de ces domaines dispose déjà d’un objectif clairement défini », a-t-il précisé. Au pire, les tâches essentielles pourraient être reléguées au second plan sans que les nouveaux objectifs ne soient atteints. Par conséquent, la politique monétaire ne devrait pas être utilisée pour poursuivre des objectifs de politique climatique, par exemple, en favorisant des titres « verts » ou en excluant des titres d’entreprises à fortes émissions de CO2. Sinon, il y aurait un danger de conflits d’intérêts. « Un rôle actif dans la politique climatique pourrait saper notre indépendance et, en fin de compte, compromettre notre capacité à maintenir la stabilité des prix », a déclaré M. Weidmann.

Pour la protection du climat, un renchérissement des émissions de CO2 serait essentiel. À cet effet, les systèmes d’échange de quotas d’émissions et les taxes sur le carbone constitueraient des outils efficaces. Les décisions quant au recours à ces outils incomberaient aux gouvernements et aux parlements. Dans son discours, M. Weidmann a également abordé la question de savoir pourquoi la politique avait dans la pratique tant de mal à prendre des mesures climatiques ambitieuses et crédibles. Ainsi, la littérature ferait apparaître que les gouvernements seraient incités à dévier des mesures annoncées afin de poursuivre des objectifs à court terme. Il manquerait par conséquent des perspectives claires pour les entreprises, qui en auraient besoin pour réaliser les investissements à long terme nécessaires pour transformer l’économie. Pour résoudre le problème de crédibilité de la politique climatique, il serait donc débattu dans la littérature, à l’instar de la politique monétaire, de déléguer cette tâche à une institution indépendante – à une agence du climat indépendante. Selon une étude récente, il ne serait cependant pas certain que, dans la pratique, une telle institution puisse remplir les conditions pour qu’elle constitue effectivement une meilleure alternative. « Sans écarter d’autres débats, ces considérations font clairement apparaître un point : les banques centrales ne devraient pas endosser le rôle d’agence du carbone », a expliqué M. Weidmann.

La BCE annonce la création d’un centre du changement climatique

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, qui a également pris la parole à cette conférence, a souligné que les banques centrales n’étaient clairement pas les acteurs principaux lorsqu’il s’agissait d’empêcher le réchauffement global. « Mais le fait de ne pas occuper la place du conducteur ne signifie pas que nous pouvons simplement ignorer le changement climatique ou que nous ne jouons pas de rôle dans la lutte contre ce phénomène », a-t-elle déclaré. Mme Lagarde a annoncé que la BCE allait créer un centre du changement climatique. Celui-ci permettrait de conjuguer plus efficacement au sein de la Banque les différentes expertises et domaines de travail relatifs au climat. « Le changement climatique concerne tous nos domaines politiques. Le centre du changement climatique fournit la structure dont nous avons besoin pour nous attaquer au problème avec l’urgence et la détermination qu’il mérite », a déclaré la présidente de la BCE.