Stabilité en tant que mission Discours tenu à l’occasion de la cérémonie officielle « Les 250 ans du Pfandbrief »

1 Introduction

Cher Monsieur Hagen,
Chère Madame Lambrecht,
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie chaleureusement pour cette invitation. Je me réjouis d’être parmi vous aujourd'hui.

La semaine dernière, une nouvelle exposition a été ouverte ici, au Musée historique allemand. Elle est consacrée à Wilhelm et Alexander von Humboldt. Wilhelm, l’aîné des deux frères, aurait un jour eu les paroles suivantes : « Seul celui qui connaît le passé a un avenir ». Il est donc utile de jeter un regard sur le passé.

Nous avons déjà appris pas mal sur la naissance du « Pfandbrief », une obligation sécurisée allemande. Un peu plus de deux semaines après que Frédéric le Grand eut par ordonnance jeté la base pour le Pfandbrief, naquit, ici à Berlin, le frère de Wilhelm, Alexander, dont l’esprit aventurier et la soif de connaissances nous passionnent encore aujourd'hui.

Alexander von Humboldt ne fut pas seulement un savant universel et naturaliste. Il était aussi un casse-cou qui ne craignait aucun risque. Sur la longue descente de l’Orinoco et du Rio Negro, son embarcation chavira deux fois et dans l’eau rôdaient des crocodiles et des piranhas. Dans les Andes aussi, Humboldt échappa de justesse à la mort lorsqu’à côté de lui une paroi de neige se détacha tout à coup et s’abîma dans le vide.[1]

L’autre héros de la fête ne peut pas proposer de tels récits d’aventures. Le Pfandbrief est moins synonyme d’activités téméraires que de stabilité et de solidité. Il partage donc un sort similaire à celui de la Bundesbank. Tous deux sont réputés comme étant plutôt ennuyeux.

Pour une cérémonie comme celle-ci, l’ennui est moins souhaitable, pour Friedrich Nietzsche il l’était d’autant plus. Il le considérait comme une condition essentielle pour pouvoir penser et agir de manière productive.[2]

Les banquiers centraux estiment eux aussi que l’ennui n’est pas si mauvais. « Boring is best » avait coutume de dire Mervyn King, l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre. En ce qui concerne une politique monétaire prévisible, il déclara que « pour avoir du succès, une banque centrale doit être ennuyeuse ».[3]

Dans le cas du Pfandbrief, la réputation d’être ennuyeux est à la fois un compliment et une marque de confiance. Car lorsqu’il s’agit d’argent, le goût de l’aventure s’arrête pour beaucoup.

2 Le Pfandbrief, un modèle à succès

Je voudrais débuter par la question de savoir quelle est la recette qui a permis au Pfandbrief d’être un tel succès.

Celui-ci repose indéniablement sur sa grande sécurité. Les détenteurs d’un tel titre disposent d’une double protection contre une éventuelle défaillance. Cette protection est comparable à celle des acrobates dans un cirque, lorsqu’ils sont assurés par un filet et une longe – ou lorsque quelqu’un utilise par précaution ceinture et bretelles.

D’une part, la responsabilité incombe à l’émetteur, d’autre part le Pfandbrief est garanti par une masse de couverture comportant des valeurs pour lesquelles existent des exigences légales en matière de qualité ainsi que des critères de valeur conservateurs. En cas d’insolvabilité de l’émetteur, les détenteurs du Pfandbrief ont droit aux valeurs de couverture et d’autres créanciers n’y ont pas accès.

À cette double protection s’ajoute un autre avantage : étant donné que les valeurs de couverture restent dans le bilan de l’émetteur, celui-ci a un intérêt propre à éviter une défaillance du débiteur et à traiter avec précaution des informations pertinentes en matière de risques. Les experts parlent de « skin in the game » (mettre sa peau en jeu).[4] Cette expression illustre le fait qu’en cas de défaillance, l’émetteur y laisse sa peau.

Ainsi, le risque moral (« moral hazard ») d’octroyer un crédit sans suffisamment contrôler et surveiller le débiteur est atténué. Ce problème d’incitation est souvent considéré comme un des facteurs déclencheurs de la crise des subprimes aux États-Unis.[5]

Les Pfandbriefe peuvent donc apporter une importante contribution à la stabilité financière. Mais, dans le cas extrême, il y a aussi la possibilité que les émissions d’obligations sécurisées deviennent trop importantes.

En effet, ce qui est bon pour le détenteur d’un Pfandbrief peut être un inconvénient pour d’autres créanciers d’une banque : plus un établissement émet d’obligations sécurisées, plus de garanties sont réservées pour leur couverture. Et moins il reste d’actifs non grevés pour protéger les autres créanciers de la banque.[6]

Cette charge grevant les actifs (Asset Encumbrance) doit toujours être prise en considération. La transparence est donc essentielle, et les établissements doivent divulguer leurs stocks d’actifs grevés. La Bundesbank estime toutefois qu’une intervention réglementaire, par exemple sous forme de plafond pour la Asset Encumbrance, n’est pas nécessaire.

Ce sujet montre que la garantie du Pfandbrief ne signifie pas forcément la sécurité de l’émetteur. En effet, lors de la crise financière, certains émetteurs ont rencontré de graves difficultés, notamment parce qu’ils avaient tenté de financer à brève échéance des opérations à long terme. Malgré cela, aucune défaillance de Pfandbrief n’a été enregistrée. Voilà pourquoi Jean-Claude Juncker a constaté que « les obligations sécurisées […] se sont avérées, surtout lors de la crise financière, être une possibilité de financement fiable et stable ».[7]

3 Politique monétaire

Mesdames, Messieurs,

Depuis la crise financière, le Pfandbrief a gagné en importance pour la mise en œuvre de la politique monétaire dans la zone euro. Ainsi, l'Eurosystème a lancé au cours des dix dernières années trois programmes d’achat d’obligations sécurisées.

Les deux premiers programmes devaient contribuer à rétablir la liquidité dans un segment de marché important pour le financement des banques. Ces programmes étaient limités en volume et durée et ont été achevés comme prévu.

Ils diffèrent ainsi du troisième programme d’achats, qui débuta en octobre 2014 et avait pour but d’assouplir la politique monétaire. En 2015, il devint un élément du large programme d'achats d'actifs, dit APP. Dans le cadre de ce programme, l’Eurosystème acquiert aussi des obligations d’entreprises, des titres adossés à des actifs et des obligations souveraines. Le portefeuille total s’élève actuellement à plus de 2,6 billions d’euros. Depuis novembre, le volume croît de nouveau, étant donné que la BCE a décidé de reprendre les achats nets d’actifs. Tous les mois, les stocks d’emprunts sont augmentés de 20 milliards d’euros.

Les programmes d’achats ont aidé à empêcher une escalade de la crise et contribué à la reprise économique dans la zone euro. Mais ils peuvent aussi avoir des effets secondaires indésirables.[8]

Dans le cadre de la gestion de crise, la politique monétaire a en quelque sorte suivi le chemin des explorateurs et chercheurs comme Alexander von Humboldt. Avec une série de mesures non conventionnelles, les banques centrales se sont rendues sur un terrain jusqu’alors largement inconnu et elles sont encore en train d’explorer ce domaine inconnu de la politique monétaire.

Il serait prématuré de porter dès aujourd'hui un jugement final sur les programmes d’achats. En particulier les effets à plus long terme de la politique monétaire non conventionnelle ne sont pas encore suffisamment explorés. Luis de Guindos, mon collègue au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE a donc récemment appelé, à juste titre, à accorder plus d’importance à ces effets secondaires. Et je ne cesse d’attirer l’attention depuis quelque temps déjà sur précisément ce point.

En ce qui concerne l’APP, je vois d’un œil critique notamment l’achat d’obligations souveraines au sein de l’Union monétaire. Entre temps, les banques centrales de l’Eurosystème sont devenues les plus grands créanciers des États. La politique monétaire risque ainsi d’être mélangée avec la politique budgétaire.

Par ailleurs, plus la politique monétaire très expansive dure, plus les risques pour la stabilité financière peuvent augmenter. Avec les taux d’intérêt sans risques à un très faible niveau, des placements financiers plus risqués deviennent plus attrayants. À la recherche de rendement, de nombreux investisseurs devraient être prêts à prendre des risques plus élevés et à restructurer leur portefeuille.

L’effet des mesures non conventionnelles de politique monétaire dépend dans une certaine mesure de telles restructurations dans les portefeuilles des acteurs du marché. Ce sont elles qui font le nécessaire pour que l’impulsion expansionniste de la politique monétaire se propage aussi aux domaines du système financier dans lesquels la banque centrale n’est pas active directement.[9] Elles peuvent toutefois se transformer en problème si les acteurs prennent des risques plus élevés qu’ils ne peuvent supporter.

4 Stabilité financière

Cette question est discutée dans notre pays notamment dans le contexte du marché immobilier. Depuis 2010, les prix de l'immobilier résidentiel ont considérablement augmenté : au niveau national d’un peu moins de 60 % et dans les zones urbaines même de presque 80 %. La bonne évolution économique et les taux d’intérêt bas devraient avoir été les principaux moteurs. Et la politique monétaire accommodante a sans doute contribué aux deux.

La hausse des prix dans les villes allemandes était toutefois sensiblement plus forte que cela ne paraît justifié par les facteurs économiques et démographiques à long terme. Selon les estimations de la Bundesbank, l’immobilier résidentiel y était survalorisé l’an passé de 15 % à 30 %.[10]

Or, des niveaux de valorisation élevés ne sont pas – malgré un possible potentiel de repli –en soi un danger pour la stabilité financière. Des risques sur le marché immobilier peuvent s’accumuler surtout lorsqu’outre les prix, les crédits également enregistrent une forte hausse et qu’en même temps les banques abaissent fortement leurs normes d’octroi de crédit. Une telle spirale n’est toutefois actuellement pas en vue en Allemagne.[11]

Mais les maisons et les terrains servent aussi de garanties pour les crédits. En Allemagne, environ la moitié des crédits bancaires octroyés au secteur privé non financier est garanti par des biens immobiliers. C’est pourquoi des survalorisations sur le marché immobilier pourraient avoir pour conséquence que les banques surestiment la valeur de leurs garanties de crédit.

Par ailleurs, grâce à la longue reprise économique en Allemagne, la solvabilité des débiteurs s’est généralement améliorée et moins de crédits sont défaillants. Par la suite, les banques ont pu réduire leur provision pour les risques de crédit. Aujourd’hui, les provisions pour risques se situent à un niveau historiquement bas. Elles reflètent ainsi l’évolution économique particulièrement favorable dans le passé. En revanche, les risques de crédit futurs pourraient être sous-estimés.

Dans son ensemble, le système financier allemand est devenu plus vulnérable au cas où la conjoncture subirait une faiblesse inattendue et ne fait pas uniquement – comme cela est le cas actuellement – du surplace pour quelque temps. Dans un tel scénario, davantage de crédits pourraient de nouveau être défaillants et en même temps les garanties pourraient perdre en valeur. Et en raison de la faible provision pour risques des banques, les pertes qui en résultent pourraient plus rapidement affecter les fonds propres.

Pour stabiliser leur ratio de fonds propres, les banques concernées pourraient restreindre l’octroi de crédits. Et si de nombreuses banques réagissaient ainsi simultanément, cela dégraderait encore davantage les conditions de financement et renforcerait le fléchissement conjoncturel. Nous avons donc affaire ici à des risques cycliques qui sont étroitement liés et pourraient se renforcer mutuellement.

« Tout est interaction. » Cela pourrait être écrit dans notre Rapport sur la stabilité financière que nous avons présenté la semaine dernière. Mais cette phrase fut écrite par Alexander von Humboldt en 1803.[12] Ce qui importait pour Humboldt, c’était la vue d’ensemble. Il voulait comprendre les liens et peindre une image complète du monde. Les banquiers centraux et les surveillants bancaires agissent de manière similaire lorsqu’ils analysent non pas des établissements individuels, mais la stabilité financière dans son ensemble.

Du point de vue macroprudentiel, il était nécessaire d'agir, et en juillet, le volant de fonds propres contracyclique fut activé pour la première fois en Allemagne. Les banques constituent ainsi en période favorable des réserves supplémentaires et elles augmentent leur résilience face à de nouvelles phases de crise. En période difficile, les surveillants bancaires peuvent de nouveau abaisser le volant afin que les banques puissent utiliser cette marge de manœuvre pour couvrir des pertes. Le volant de fonds propres contracyclique a donc une fonction de stabilisateur et aide le secteur bancaire à mieux amortir des chocs.

5 Finance verte

Mesdames, Messieurs,

Les risques, les interactions et le regard pour l’essentiel sont également décisifs pour un autre thème : le changement climatique. Lorsque Alexander von Humbold vit au Venezuela les dommages écologiques créés par les plantations, il reconnut les liens et mit en garde contre les conséquences des interventions humaines dans la nature pour les générations futures. Il souligna notamment l’importance de la forêt pour rafraîchir l’air, stocker l’eau et protéger contre l’érosion des sols.[13]

Le changement climatique est un défi pour nous tous. Christine Lagarde, la présidente de la BCE, attire l’attention sur le fait que toutes les institutions publiques et privées devraient œuvrer dans le cadre de leur mandat pour répondre à ce défi.[14]

Le premier Pfandbrief vert fut déjà émis en 2015, avant même l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat. Sans vouloir flatter, on peut affirmer aujourd'hui que ce produit innovant en matière de financement de bâtiments à haute efficacité énergétique était en avance sur son temps.

Le marché des emprunts verts peut, dans son ensemble, apporter une contribution importante au financement des projets respectueux de l'environnement. En Allemagne, le volume de placements durables a augmenté au cours des quatre dernières années de plus de 70 %. À l’échelle mondiale, une forte croissance du marché peut également être constatée.[15]

Malgré cela, les placements verts jouent encore un rôle plutôt secondaire. Ainsi, la part des obligations vertes au total du marché international ne s’élève qu’à un peu moins de 2 %. En d’autres termes : il existe probablement encore un important potentiel pour la finance verte.

Une base importante serait une définition claire et généralement acceptée de ce que signifient les termes « vert » et « durable ». Cela pourrait également renforcer la confiance dans les placements verts, étant donné qu’elle préviendrait l’« écoblanchiment ». Cela signifie que, par exemple pour des raisons de marketing, un produit financier est déclaré écologique sans vraiment être respectueux du climat.

Pour éviter une telle étiquette trompeuse et dans un souci de clarté pour les investisseurs, différentes normes et différents principes ont déjà été mis en place. Sur cette base, la Commission européenne élabore actuellement son propre système de classification. Cette « taxonomie » permettra une classification uniforme, compréhensible et fiable des produits financiers durables. Elle constitue le noyau central du plan d’action de l’UE en matière de financement d’une croissance durable et a pour but de créer un cadre référentiel pour les investisseurs, afin que l'Europe puisse atteindre les objectifs climatiques fixés dans l’Accord de Paris.

Les banques centrales poursuivent également cet objectif. Il importe pour nous d’accompagner le changement vers un système financier vert, et ce à différents endroits.

Ainsi, nous devons mieux comprendre les implications économiques du changement climatique et en tenir compte également dans nos analyses de politique monétaire. Par exemple, un plus grand nombre d’événements météorologiques extrêmes peut augmenter la volatilité des taux d’inflation et des taux de croissance ou freiner le potentiel de croissance.

Par ailleurs, dans le cadre du changement climatique ou du passage à une économie à faibles émissions de carbone pourraient se former des risques dans le système financier, comme le souligne la Bundesbank dans son récent Rapport sur la stabilité financière. La surveillance macroprudentielle doit veiller à ce que le système financier soit en mesure de résister également à de tels dangers.

Parallèlement, dans leur gestion des risques, les banques doivent tenir dûment compte des risques financiers qui découlent du changement climatique. Si le financement de projets néfastes pour le climat perdait en intérêt, cela serait un effet secondaire bienvenu. Dans leur rôle de superviseurs bancaires, les banques centrales sont invitées à agir et elles se penchent actuellement avec intensité sur le thème méthodologiquement complexe d’éventuels tests de résistance climatiques.

Mais les risques financiers liés au climat pourraient également avoir une incidence sur les achats de titres réalisés dans le cadre de notre politique monétaire. En particulier sur les échéances plus longues, des aspects climatiques pourraient influencer le risque de défaut d’obligations d’entreprises. Pour autant qu’elles soient quantifiables, ces influences devraient être évaluées et prises en compte.

En première ligne, les agences de notation sont invitées à élargir leurs outils d’analyse pour également tenir dûment compte des facteurs déterminants climatiques du risque de défaut. Cela nécessite tout d’abord de la transparence.

Les achats de titres réalisés dans le cadre de notre politique monétaire doivent continuer à être réalisés selon le principe de la neutralité du marché – ce qui ressort des Traités européens et du mandat restreint de la politique monétaire.

Une politique monétaire qui poursuit explicitement des objectifs de politique environnementale risque de se surmener. C’est pourquoi Jerome Powell, le président du Conseil de la Réserve fédérale, a récemment déclaré devant le Congrès américain : « Le changement climatique est un thème important, mais pas en premier lieu pour la Réserve fédérale. […] Cela est l’affaire des représentants élus, et pas la nôtre »[16] Il appartient aux politiciens et politiciennes légitimement élus de décider avec quels moyens notre société doit lutter contre le changement climatique, et ils en portent la responsabilité.

La Bundesbank peut soutenir la politique sur ce chemin. Nous gérons par exemple le patrimoine de différentes institutions publiques. Nous aidons activement les pouvoirs publics à « verdir » leurs portefeuilles. Plusieurs de nos mandants ont déjà explicitement introduit des principes de durabilité dans leurs stratégies de placement. Nos experts des marchés financiers les ont soutenus dans la conception et se chargent de la transposition pratique.

Le Réseau pour le verdissement du système financier (Network for Greening the Financial System, NGFS) a récemment publié un manuel pour la gestion de portefeuilles durable des banques centrales. Au sein de ce réseau, plus de 50 banques centrales et autorités de surveillance issues de cinq continents discutent de la manière dont la contribution du système financier aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat peut être renforcé. La Bundesbank est membre fondateur du NGFS. Une telle coopération internationale est indispensable pour la lutte contre le changement climatique.

6 Union des marchés des capitaux

Déjà la première expédition d’Alexander von Humboldt montra la valeur d’une coopération transfrontalière. Le voyage en Amérique, qui dura cinq ans, fut un effort de recherche qui ne put être réalisé avec succès que conjointement avec le médecin et botaniste français Aimé Bonpland. Et après son voyage en Russie, Humboldt fonda une « association », un réseau international ayant pour but d’explorer le magnétisme terrestre.[17]

Pour le Pfandbrief, du moins la perspective européenne est essentielle. Ainsi fut décidé cette année le cadre juridique uniforme pour les obligations sécurisées dans l’UE. Il s’agit d’une harmonisation minimale avec une approche en deux étapes. En effet, elle introduit non seulement le label qualité « Obligation européenne sécurisée ». Elle met également en avant un segment du haut de gamme auquel appartient bien sûr le Pfandbrief.

La définition commune doit servir à ce que les obligations sécurisées soient plus souvent utilisées au niveau européen en tant que source de refinancement à long terme et que leurs avantages soient mieux mis à profit. En effet, les marchés pour les obligations sécurisées ne sont pas partout aussi développés que chez nous. Pour le Pfandbrief allemand, cela apporte peut-être une nouvelle impulsion vers l’internationalisation, qui a connu une progression en 1995 avec l’introduction du « Jumbo-Pfandbrief ».

Je voudrais ajouter à ce point : le fait que le Pfandbrief est devenu un « produit phare de l’exportation » – pour rendre les paroles de M. Hagen – n’est pas uniquement dû au produit lui-même. C’est aussi un grand mérite de l’association allemande du Pfandbrief et de ses efforts incessants tant au niveau national qu’international.

Le cadre européen pour les obligations sécurisées et ladite taxonomie en matière de durabilité constituent en même temps des pas vers une véritable union des marchés des capitaux. Il existe manifestement encore en Europe des obstacles qui empêchent un meilleur accès aux financements et une répartition plus large des risques dans le secteur privé.

Une possibilité pour approfondir l’intégration du marché des capitaux européen se situe, à mon avis, notamment au niveau de la procédure d’insolvabilité, où il manque à ce jour une approche uniforme – notamment parce que cette procédure est souvent étroitement liée à d’autres aspects du droit national.

Une harmonisation complète des procédures d’insolvabilité est donc peu réaliste. Mais elle n’est pas non plus indispensable. À l'instar du cadre pour les obligations sécurisées, des exigences minimales au niveau européen seraient un premier pas pragmatique. Une base juridique claire et solide est essentielle notamment pour les valeurs mobilières afin de protéger les émetteurs et les investisseurs. Le Pfandbrief en a lui aussi profité.

Au fil du temps, il n’a cessé de s’adapter à de nouvelles situations et de relever des défis. Ce qui fut décisif dans tous ces changements était le fait que sa marque de valeur, à savoir la sécurité nécessaire pour un financement et un placement à long terme, fut conservé. Et cette stabilité demeurera importante également à l’avenir.

7 Conclusion

Mesdames, Messieurs,

Vous souvenez-vous ? Seul celui qui connaît le passé a un avenir. C’est pourquoi mon allocution doit se terminer là où tout a commencé, donc en l’an 1769.

Lorsque Frédéric le Grand décréta son ordonnance innovatrice, le monde portait depuis des jours déjà avec fascination son regard vers le haut : dans le ciel nocturne brillait quelque chose de si extraordinaire que même des gravures sur cuivre furent réalisées pour retenir cet événement. Il s’agissait d’une grande comète avec une magnifique queue, ce qui fit grand bruit également en dehors de l'Europe. Les astronomes à la cour de Chine en parlèrent tout comme le marin James Cook qui à l’époque traversait le Pacifique Sud à la voile.

Avec les données recueillies à partir des nombreuses observations, il fut possible de calculer la trajectoire de la comète. Elle se déplace sur une orbite très allongée et elliptique autour du soleil. En 1769, elle fut très près du soleil, ce qui la rendit bien visible. Jusqu’à la prochaine fois, environ 1 400 ans s’écouleront encore.

Je souhaite au Pfandbrief un souffle tout aussi long et beaucoup de réussite à ses concepteurs !

Je vous remercie de votre attention.

Notes de bas de page:

  1. Schaper, R. (2019), Alexander von Humboldt: Der Preuße und die neuen Welten; Biermann, W. (2008), Der Traum meines ganzen Lebens: Humboldts amerikanische Reise. 
  2. Nietzsche, F. (1882), Le Gai Savoir, chapitre 42, Travail et ennui.
  3. King, M. (2000), Monetary Policy: Theory in Practice, discours tenu le 7 janvier 2000.
  4. Demiroglu, C. et C. M. James (2012), How Important is Having Skin in the Game? Originator-Sponsor Affiliation and Losses on Mortgage-Backed Securities, AFA 2012 Chicago Meetings.
  5. James, C. M. (2010), Mortgage-Backed Securities: How Important Is “Skin in the Game”?, Federal Reserve Bank of San Francisco, Economic Letter, n° 2010-37.
  6. Ahnert, T., K. Anand, P. Gai et J. Chapman (2019), Asset Encumbrance, Bank Funding, and Fragility, Review of Financial Studies, vol. 32, p. 2422-2455.
  7. Juncker, J.-C. (2019) dans : 250 Jahre Pfandbrief: Im Gespräch mit Jean-Claude Juncker, https://www.pfandbrief.de/site/de/vdp/pfandbrief/jubilaeum/250-Jahre-Pfandbrief/vdpsagtdankefritz/juncker.html
  8. Lewis, V. et M. Roth (2017), The financial market effects of the ECB’s asset purchase programs, Deutsche Bundesbank, Discussion Paper, n° 23/2017.
  9. Deutsche Bundesbank (2016), Zu den gesamtwirtschaftlichen Auswirkungen der quantitativen Lockerung im Euro-Raum, Rapport mensuel, juin 2016, p. 29-54.
  10. Deutsche Bundesbank (2019), Die Preise für Wohnimmobilien in Deutschland im Jahr 2018, Rapport mensuel, février 2019, p. 55-57.
  11. Deutsche Bundesbank (2019), Die Risikolage des deutschen Finanzsystems, Rapport sur la stabilité financière 2019.
  12. von Humboldt, A. (1803), Journal de voyage, 1er au 5 août 1803, vallée de Mexico
  13. Wulf, A. (2016), Alexander von Humboldt und die Erfindung der Natur, éditions Penguin et C. Bertelsmann Verlag, Munich, p. 24.
  14. Parlement européen (2019), Projet de rapport sur la recommandation du Conseil concernant la nomination de la présidente de la Banque centrale européenne, Commission des affaires économiques et monétaires, 29 août 2019.
  15. Deutsche Bundesbank (2019), Der Markt für nachhaltige Finanzanlagen: eine Bestandsaufnahme, Rapport mensuel, octobre 2019, p.13-33.
  16. Powell, J. (2019) dans : Financial Times, Lagarde push for climate change to spearhead policy in ECB review, 28 novembre 2019.
  17. Honigmann, P. (1984), Entstehung und Schicksal von Humboldts Magnetischem „Verein“ (1829–1834) im Zusammenhang mit seiner Rußlandreise, Annals of Science, vol. 41, p. 57-86.