Souveraineté nationale et défis mondiaux Allocution à l’occasion de la remise du Prix journalistique Karl Klasen

1 Paroles de bienvenue

Monsieur le Sénateur,
Cher Monsieur Klasen,
Cher Monsieur Erlanger,
Mesdames et Messieurs,

Je vous félicite chaleureusement, cher Monsieur Erlanger, pour l’attribution du prix journalistique Karl Klasen.

En tant que correspondant pour l’Europe du New York Times, vous apportez une contribution précieuse au renforcement des relations transatlantiques que Karl Klasen tenait très à cœur.

Expliquer le fonctionnement de l’Europe et de l’Union européenne est une tâche louable mais aussi exigeante.

2 Des tendances de repli nuisibles

Depuis l’an 2000, « Unie dans la diversité » est la devise officielle de l’Union européenne. Elle a pour but d’exprimer que les Européens s’engagent ensemble en faveur de la paix et de la prospérité tout en considérant leurs différences culturelles et linguistiques comme un atout.

Dans la perspective du passé récent, vous êtes certes nombreux à penser que l’aspect de la diversité a été plus prononcé que la notion d’union.

Dans ce contexte, je pense en particulier au Brexit qui marquera pour la première fois un recul dans l’intégration européenne. Des partis critiques vis-à-vis de l’euro et de l’Europe ont pu célébrer des succès électoraux remarquables dans de nombreux pays (y compris en Allemagne), et notamment dans la dispute sur l’accueil et la répartition des réfugiés, les États membres de l’UE n’ont guère fait preuve d’unité.

Un renforcement des tendances au repli ne se limite toutefois pas à l’Europe. Le protectionnisme est à nouveau devenu un sujet de la politique économique internationale. Non seulement aux États-Unis, mais aussi dans d’autres pays industrialisés, des appels à une politique commerciale plus restrictive se font entendre. La surtaxe récemment introduite par les États-Unis à l’encontre des producteurs d’installations photovoltaïques et de lave-linges montre que la rhétorique est effectivement suivie d’actions.

Des mesures de restriction commerciales provoquent souvent des contre-réactions et risquent de déclencher des conflits commerciaux qui finalement ne connaissent que des perdants. Ainsi, l’association américaine de l’énergie solaire s’attend donc à une perte nette de 23.000 emplois rien que cette année. En effet, la surtaxe sur les installations photovoltaïques et leurs composants a pour conséquence un renchérissement de la production domestique, ce qui devrait entraîner à son tour un recul de la demande. Il en résulte également une baisse du nombre de techniciens nécessaires dans ce domaine.

Le but des accords de libre échange est précisément d’éviter de tels conflits dont tous sortent perdants. Cependant, des campagnes contre des accords commerciaux multilatéraux tels que le TTIP ou le CETA sont soutenues par de larges couches de la population.

Même si les évolutions précitées diffèrent d’un cas à l’autre, elles ont souvent une cause commune, à savoir une peur dans certaines parties de la population vis-à-vis des conséquences économiques de la mondialisation, d’en être les perdants ou de perdre le contrôle.

Les craintes des citoyens en ce qui concerne les conséquences de la mondialisation, mais aussi du progrès technique, doivent être prises au sérieux, même si le protectionnisme et le repli sur soi ne sont pas la bonne réponse.

La plupart des économistes sont d’accord que le commerce international est générateur de prospérité. Mais des marchés ouverts n’augmentent pas forcément la prospérité de tous. Il existe aussi des perdants de la mondialisation, parmi lesquels figurent notamment les salariés moins qualifiés dans les pays industrialisés.

Des études ont montré qu’une importante partie des pertes d’emplois dans l’industrie américaine est due à la hausse des importations de Chine.

La majorité des emplois est supprimée en raison du progrès technique qui finalement à un effet très semblable à celui de la mondialisation. Et ce sont surtout les bas salaires qui ont du mal à trouver un nouvel emploi dans un autre secteur économique.[1]

Du point de vue macroéconomique, les pertes d’emplois dans l’industrie aux États-Unis sont surcompensées par une croissance de l’emploi dans d’autres domaines. Par ailleurs, les consommateurs profitent de l’accès à des produits moins chers provenant de Chine.

Lorsqu’un jean exclusivement produit aux États-Unis à partir de coton américain coûte plus de la moitié plus cher que le même jean de production étrangère, l’accès au produit importé représente bien sûr une économie sensible pour le consommateur, sans compter le fait que la concurrence internationale promeut l’expansion d’idées productives et de nouveaux produits de meilleure qualité, ce qui pousse la croissance économique.

Celui qui vient de perdre son emploi ne se laisse toutefois pas consoler par des smartphones bon marché. Il y a donc un risque réel que la mondialisation soit de moins en moins acceptée.

La prospérité perdrait cependant une base importante si des mesures protectionnistes étaient prises, même si celles-ci promettent un soulagement temporaire. À mon avis, l’économiste canadien Daniel Trefler a bien résumé le problème au moyen d’une comparaison : « le protectionnisme est comme un sèche-cheveux dans un igloo ». D’abord, il y fait agréablement chaud, mais à un moment donné le toit s’écroule.

La bonne réponse consiste plutôt à permettre aux citoyens de profiter eux-mêmes de la mondialisation et du progrès technique. Au moyen de meilleures écoles et universités ainsi que par une formation tout au long de la vie, il est possible de faire en sorte que les citoyens peuvent mieux tirer profit d’un environnement en mutation permanente. Des marchés du travail et de produits flexibles contribuent également aux changements structurels, sans que cela n’entraîne un chômage persistant, parce que les anciens emplois sont remplacés plus rapidement par de nouveaux.

Je suis persuadé qu’une combinaison entre des marchés ouverts et des structures économiques plus favorables à la croissance génèrent des gains de productivité, davantage d’emplois et des hausses de revenus. Cela permet aussi d’atténuer des difficultés sociales moyennant un système fiscal et de transfert ciblé, comme nous l’avons en Allemagne.

Tel est le chemin pour réaliser la promesse de Ludwig Erhard de la « prospérité pour tous ». Et c’est également le chemin pour apaiser les craintes des citoyens face à la mondialisation et au progrès technique.

3 Une précieuse coopération multilatérale

Mesdames, Messieurs,

Une coopération internationale et multilatérale est plus que jamais nécessaire dans un monde globalisé et interconnecté. Nombreux sont les défis qui ne peuvent être résolus que par une coopération internationale. Pensez par exemple à la protection du climat, la lutte contre le terrorisme ou la réglementation des marchés financiers internationaux.

La plus-value de la coopération internationale s’est justement montrée de manière impressionnante lors de la crise financière. Dans ce contexte, le G20 s’est avéré être une institution particulièrement précieuse. La coopération des principaux pays industrialisés et émergents a constitué un grand avantage à la fois dans la gestion de la crise et l’analyse de celle-ci.

Un des grands mérites du G20 est par exemple que ses membres ont résisté à la tentation de recourir lors de la crise de 2008/2009 à d’importantes mesures protectionnistes pour protéger leurs économies nationales des conséquences de la chute de la demande à l’échelle mondiale. Ils ont renoncé à des stratégies politiques du chacun pour soi pour relancer leurs économies nationales au détriment d’autres pays. Lors du sommet du G20 à Hambourg, les États membres du G20 ont également réitéré leur engagement en faveur du principe de marchés ouverts ainsi que leur volonté de lutter contre le protectionnisme.

Le deuxième grand succès du G20 réside dans le fait qu’il a été possible grâce à des efforts communs de tirer de précieux enseignements de la crise financière. Ainsi, toutes les grandes étapes de la réforme de la réglementation internationale des marchés financiers ont été approuvées par les États du G20.

Le renforcement de la résilience du secteur financier aurait été inconcevable sans l’unité politique au sein du G20, car, comme vous le savez, le capital est extrêmement mobile et des échappatoires nationales au sein du G20 iraient à l’encontre d’une réglementation efficace.

Le corpus réglementaire de Bâle III constitue à cet égard un élément essentiel dont le principe a été adopté dès 2010. Les dernières questions en suspens du paquet de réformes ont toutefois fait l’objet de longs débats. Ce n’était que vers la fin de l’année passée qu’a été trouvé un compromis que tous les membres du Comité de Bâle ont pu approuver.

Il s’agit maintenant de mettre en œuvre cet accord rapidement et sans concessions. Mais cela signifie évidemment que ces décisions ne sont pas transposées en droit national uniquement en Europe, mais par tous les membres du Comité de Bâle, donc également aux États-Unis d’Amérique. En effet, le sens des normes de Bâle est d’avoir des règles du jeu uniformes autant que possible.

Grâce à des délais de transition de plusieurs années, les établissements qui ont maintenant un besoin accru en capital disposent de suffisamment de temps pour le constituer. Personne ne doit donc craindre une pénurie de crédit.

Au contraire : dans un système bancaire bien capitalisé, il n’y a pas lieu de craindre une contraction du crédit, même en cas de phases de faiblesse économique. Et Bâle III a déjà mené aujourd’hui à une capitalisation sensiblement meilleure des banques.

Les banques allemandes ont aujourd’hui des fonds propres nettement supérieurs et de meilleure qualité qu’il y a encore quelques années. Ainsi, le ratio moyen de fonds propres de base des grands établissements allemands est passé de 5,4 pour cent en 2011 à 12,7 pour cent à la fin de l’année 2016. Le coussin  est donc plus de deux fois plus important.

Le décès du grand chef cuisinier français Paul Bocuse il y a quelques jours m’a rappelé une de ses citations : « Quand l'architecte rate la maison, pour faire tenir les pierres, il fait pousser du lierre. Le chirurgien, lui, quand il rate, il met un peu de terre. Et lorsqu’un cuisinier commet une erreur, il la recouvre d'une bonne sauce blanche et prétend qu’il s’agit d’une nouvelle recette. »

Danièle Nouy, la présidente du Mécanisme de supervision bancaire unique a utilisé cette citation et s’est demandée ce que Bocuse aurait pu dire au sujet des erreurs des banques. Nouy suppose qu’il aurait dit que lorsque les banques commettent une erreur, ils la recouvrent de l’argent du contribuable. C’est précisément ce que devra se produire moins souvent grâce à la nouvelle réglementation bancaire, qui va loin au-delà de Bâle III, à savoir que le contribuable doive intervenir pour sauver une banque.

Outre l’accord de Bâle III – même s’il n’a été finalisé que peu de temps après la fin de la présidence – la présidence allemande du G20 a abouti à une série d’autres progrès. Ainsi par exemple, il a été décidé de créer un cadre uniforme pour l’évaluation des réformes des marchés financiers déjà mises en œuvre. Par ailleurs ont été convenus des principes visant à renforcer la résilience des économies des pays du G20.

Il est clair que de tels sujets ne font pas les gros titres. Les débordements en marge du sommet ici à Hambourg ont en tout cas davantage attiré l’attention des médias. Ces sujets constituent néanmoins des contributions précieuses pour parvenir à un système économique et financier plus résilient.

4 L’Allemagne à tort pointée du doigt

Nombreux sont ceux qui considèrent qu’une réduction des déséquilibres mondiaux serait également une contribution à un système économique plus résilient aux crises. Des demandes de mesures protectionnistes sont elles aussi souvent motivées par ces déséquilibres créés par le fait que certains pays ont en permanence des excédents des transactions courantes, alors que d’autres affichent constamment des déficits. Ainsi, l’Allemagne et la Chine enregistrent depuis quelques années des excédents, alors que les États-Unis ont un déficit chronique dans leurs transactions courantes.

Cela ne permet toutefois pas d’en déduire comment se répartissent les avantages du commerce international.

Malgré cela, c'est surtout l’Allemagne qui est depuis des années au centre de la critique internationale. Des mesures actives relevant du domaine de la politique économique, qui devraient contribuer à diminuer les excédents, sont régulièrement demandées – ainsi récemment lors d’une conférence qui a été organisée conjointement par la Bundesbank et le FMI à Francfort.

En fait, l’excédent allemand est dû aux multiples décisions des consommateurs et des entreprises au niveau national et international. Ce n’est pas le résultat d’une politique mercantiliste.

En raison du changement démographique, les excédents de compte courant allemands sont tout à fait appropriés, parce que, exprimé en termes simples, ceux qui génèrent le produit national sont de moins en moins nombreux par rapport au nombre croissant de ceux qui le consomment.

Un excédent de compte courant permet d’accroître les avoirs extérieurs. Ceux-ci pourront être réduits plus tard, lorsque de plus en plus de salariés prendront leur retraite et retirent leur épargne. Et si l’État réduit son ratio d’endettement, cela améliore implicitement la viabilité des régimes publics de retraite. L’État épargne pour ainsi dire pour la population afin que la charge fiscale future demeure supportable.

Étant donné qu’il faut s’attendre dans les prochaines décennies à une croissance relativement faible en Allemagne, il est juste de profiter d’une évolution plus dynamique ailleurs. Un excédent de 8 pour cent de la performance économique, tel que nous l’enregistrons actuellement, ne peut toutefois pas s’expliquer uniquement par la démographie. Le prix bas du pétrole qui a réduit la facture des importations et la politique monétaire accommodante n’expliquent eux aussi que partiellement l’excédent élevé.

Ce qui frappe, c’est que les entreprises allemandes ont longtemps constitué une épargne importante. Celle-ci reflète aussi en partie des activités d’investissement modérées des entreprises allemandes qui n’ont été remplacées que l’année dernière par une relance cyclique. Un moyen de diminuer l'excédent courant consiste donc à créer au niveau national un environnement favorable aux investissements, par exemple par une mise en œuvre rapide et prévisible de la transition énergétique ou le renforcement de l’infrastructure numérique.

Ce dernier aspect peut aussi signifier une augmentation des dépenses publiques en faveur de l’infrastructure, les possibilités financières étant actuellement disponibles. Il serait toutefois important d’évaluer de manière précise les besoins d’investissements et de les couvrir de manière économique.

Compte tenu de la conjoncture industrielle favorable, les investissements des entreprises ont sensiblement augmenté ces derniers temps et ce mouvement de hausse cyclique devrait aussi persister ces prochains temps. Considéré en soi, cela devrait finalement avoir un effet modérateur sur l’excédent courant.

À plus long terme, le défi consiste toutefois à lutter efficacement contre un manque de plus en plus important de main-d'œuvre qualifiée, car celui-ci freine aussi les investissements domestiques des entreprises.

Il serait par contre inapproprié de vouloir diminuer l’excédent par une détérioration intentionnelle de la compétitivité des entreprises allemandes ou de lancer des programmes de dépenses publiques financées par la dette, ce qui dans une période de capacités productives déjà fortement sollicitées doperait temporairement la demande et aurait donc un effet procyclique.

5 Renforcer l’Union européenne

Mesdames, Messieurs,

Le commerce international n’est donc pas un jeu à somme nulle où les gains et les pertes se compensent. Cela vaut également pour l’Union européenne.

Là aussi il convient de constater que tous les pays ne profitent peut-être pas de la même manière, mais ils profitent tous.

Une majorité des électeurs au Royaume-Uni étaient toutefois d’un avis différent. Les défenseurs du Brexit ont manifestement considéré que l’appartenance à l’UE présentait plus d’inconvénients que de bénéfices. Ils ont misé sur l'hypothèse qu’en quittant l’UE, le Royaume-Uni gagnerait de nouveau en souveraineté nationale.

Dans quelle mesure il serait possible de limiter les désavantages économiques de cette décision dépend notamment des modalités du « contrat de divorce » et de la structure des futures relations avec l’UE.

À ce sujet, Steven Erlanger a écrit dans le New York Times : « Sur l’océan mondial, la Grande Bretagne n’est plus qu’un navire de taille modeste. »

À l’ère de défis mondiaux, la nostalgie d'une vaste souveraineté nationale paraît plutôt tournée vers le passé.

Il existe bien sûr des tâches qui peuvent mieux être remplies au niveau européen que national. Inversement, il existe des fonctions qu’il vaudrait mieux laisser au niveau national.

Dans le contexte du renouveau du débat sur l’avenir de l’Europe, il est à mon avis surtout important de décider dans un premier temps s’il existe des tâches supplémentaires qu’il serait judicieux de confier à l’UE. Du point de vue économique, ce sont surtout des biens publics et des domaines politiques à l’échelle européenne ayant des effets externes transfrontaliers qui entreraient en ligne de compte. Dans un deuxième temps, il conviendrait d'éclaircir le mode de financement des tâches communautaires.

Le président français, Emmanuel Macron, a mentionné dans son discours tenu à la Sorbonne une série de domaines politiques pour lesquels il souhaite une responsabilité commune par exemple en matière de défense, de protection des frontières extérieures ou de lutte contre le changement climatique.

Néanmoins, en même temps, le principe de subsidiarité ancré dans le traité sur l'Union européenne devrait être davantage pris en considération. C’est pourquoi il faut saluer le fait qu’une task force « subsidiarité » créée par le président de la Commission, M. Juncker, a été chargée d’évaluer quelles tâches pourraient être retransférées aux États membres.

Une compétence qui ne sera certainement pas retransférée aux États membres est celle en matière de politique monétaire et de change, ce que d’ailleurs les citoyens ne veulent pas non plus.

Selon le dernier sondage Eurobaromètre, les trois quarts (74 pour cent) des personnes interrogées au sein de la zone euro soutiennent l’euro et seulement une personne sur cinq (21 pour cent) est contre la monnaie unique. Dans certains pays, dont l’Allemagne, le taux d’approbation dépasse même 80 pour cent. L’euro a sa plus faible approbation en Italie, mais même là on compte deux défenseurs pour un opposant.

Pour autant, il s’est avéré au cours de la crise dans la zone euro que la construction de l’union monétaire était fragile. Mais cette fragilité n’est cependant pas imputable à des erreurs de conception de la monnaie unique en soi. C’est plutôt l'interaction entre d’une part une politique monétaire homogène et d’autre part une souveraineté nationale en matière de politique économique et financière qui rend l’union monétaire vulnérable aux crises.

Mais l’enseignement que cette interaction peut être problématique pour la stabilité de la monnaie unique n’est pas nouveau. Ainsi, Karl Klasen souligna déjà en 1970 « qu’une politique monétaire unique ne pourra produire un effet que si les conséquences monétaires des finances publiques sont elles aussi placées sous un contrôle commun »[2].

Cela vous montre d'ailleurs depuis combien de temps déjà les conditions concrètes pour une union monétaire durablement stable font l'objet de discussions.

Pour Klasen, alors président de la Bundesbank, il était clair de toute façon que « les progrès en matière d’intégration dans la politique monétaire doivent aller de pair avec des mesures d’intégration correspondantes dans les autres domaines de la politique économique et de la politique financière. » Presque cinquante ans plus tard, nous discutons toujours en Europe sur la bonne voie vers une intégration approfondie.

Dans ce débat, il est à mon avis essentiel que les propositions tiennent compte de l’équilibre nécessaire entre action et responsabilité.

En effet, on ne peut s’attendre à des décisions responsables que lorsque celui qui décide est également tenu responsable des conséquences économiques de cette décision. Cela vaut tant pour l’économie que pour la politique.

Si le renforcement de l’intégration européenne est réduit à une simple extension du partage de risque et de responsabilité commune, l’Europe et l’union monétaire n'en deviennent pas plus stables.

Tant qu’il n’y a pas de volonté de transférer au niveau européen des droits de décider et d’intervenir, il ne reste finalement qu’un seul autre chemin pour parvenir à une union monétaire stable : la responsabilité nationale.

Concrètement, cela signifierait renforcer l'applicabilité des règles budgétaires tout en augmentant la crédibilité de l'exclusion de responsabilité réciproque prévue dans le traité de Maastricht.

Mesdames, Messieurs, 

Lors des discussions sur l’avenir de l’union monétaire nous ne devons pas oublier que, dès le début, l’euro était aussi un projet politique. Karl Klasen avait d'ailleurs déjà attiré l’attention sur ce point dans l’article précité.

Il est donc évident que dans la discussion sur un renforcement de l’union monétaire des considérations politiques jouent un grand rôle. Toutefois, des incitations pour une politique axée sur la stabilité devraient en tout cas être préservées.

L’union monétaire doit rester une union de stabilité. Si elle ne le reste pas, l’acceptabilité de la monnaie unique diminuera de plus en plus. Et cela serait, sans aucun doute, une lourde hypothèque pour l’avenir de l’Europe.

6 Conclusion

Pour les citoyens, il devient de plus en plus difficile de comprendre la politique européenne. Il est d’autant plus important qu’il existe des journalistes qui ne s'intéressent pas uniquement à des reportages sur les personnes qui agissent, mais se familiarisent avec des thèmes et des liens compliqués pour pouvoir les expliquer à leurs lecteurs. Et moins le lecteur est personnellement concerné, plus cette tâche s’avère difficile.

En tant que correspondant pour l’Europe du New York Times, vous avez, cher Monsieur Erlanger, la tâche difficile de faire connaître l’Europe, surtout aux lecteurs américains. Permettez-moi d’affirmer que vous accomplissez  cette tâche de manière remarquable avec des articles passionnants et en même temps informatifs.

Je voudrais encore une fois vous féliciter pour l’attribution du prix journalistique Karl Klasen et vous, chers auditeurs, vous remercier pour votre attention.


Notes:

  1. Deutsche Bundesbank (2017), Sur le danger de tendances protectionnistes pour l’économie mondiale, Rapport mensuel de juillet, p. 82 ss, et la littérature y indiquée.

  2. K Klasen (1970), Die Verwirklichung der Wirtschafts- und Währungsunion in der EWG aus Sicht der Deutschen Bundesbank, dans : Europa-Archiv, n° 13, p. 453.