Réflexions sur un euro numérique Discours d’ouverture à l’occasion de la conférence virtuelle « Les Fintechs et l’environnement global des moyens de paiement – explorer de nouveaux horizons

Introduction

Mesdames et Messieurs,

Je vous souhaite la bienvenue à ce symposium commun de la Bundesbank et de la Banque populaire de Chine qui porte principalement sur le thème « Les Fintechs et l’environnement global des moyens de paiement – explorer de nouveaux horizons ».

Je suis ravi que nous ayons pu réunir un si grand nombre d’experts dans ce domaine, avec parmi nous des représentants du milieu académique, d’entreprises de la Fintech, de banques commerciales, de banques centrales, de gouvernements et d’autorités de surveillance. Partager nos réflexions et expériences profite à toutes les parties impliquées. Je voudrais aussi remercier la Banque populaire de Chine pour avoir organisé avec nous cette conférence.

Malheureusement, la pandémie nous force à tenir notre conférence en format numérique. Si nous avions pu nous rencontrer ici en personne, je vous aurais recommandé de visiter notre musée de la monnaie et notre actuelle exposition spéciale sur le thème « Les créateurs de monnaie. Qui décide ce qu’est la monnaie ? ». À l’aube de l’ère de la monnaie numérique, cela représente effectivement une question très pertinente. Les jetons cryptographiques et autres innovations en matière de finances remettent en question les idées établies sur ce qu’est la monnaie.

Cette exposition adopte une perspective historique et nous apporte des enseignements importants sur la création de monnaie dans le futur. Elle nous apprend par exemple que notre succès en tant que créateurs de monnaie dépend de la confiance que nous accordent ceux qui sont censés utiliser notre monnaie. Que cela n’est pas forcément l’État qui crée la monnaie, mais que créer de la monnaie signifie avoir du pouvoir. Et que la forme et l’usage de la monnaie ont toujours évolué.

Ainsi, la monnaie papier fut pour la première fois introduite en Chine il y a environ mille ans. Cette innovation a en fin de compte transformé le système de paiements. Aujourd’hui, c’est la numérisation qui est sur le point de refondre le système de paiements.

Les banques centrales doivent réfléchir à la manière dont elles comptent relever ce défi.[1] Une possibilité consiste à émettre des monnaies numériques de banque centrale (MNBC). Selon une étude de la Banque des règlements internationaux (BRI), la part des banques centrales menant des travaux sur les MNBC de détail ou de gros a grimpé à 86 pour cent l’an passé. [2] Nombreuses sont celles ayant enregistré des progrès significatifs dans ce domaine.

Au centre du débat public se trouvent les MNBC qui peuvent être utilisées par les consommateurs et les entreprises. Et c’est sur de telles MNBC de détail que je voudrais me focaliser dans mon discours. La Banque populaire de Chine a joué un rôle de pionnier dans le développement d’une telle monnaie numérique et nous nous réjouissons d’obtenir des aperçus nouveaux sur ses projets.

Un euro numérique

Il y a deux mois, l’Eurosystème a lancé un projet pour étudier les questions clés en ce qui concerne la conception d’une MNBC pour la zone euro.[3] L’objectif de cette étude est de nous préparer au lancement potentiel d’un euro numérique. Des expériences ont déjà montré qu’en principe, un euro numérique était réalisable en utilisant les technologies existantes.

Toutefois, l’introduction d’une MNBC n’est pas une fin en soi. Une banque centrale peut avoir des raisons très variées pourquoi elle décide de lancer une monnaie numérique. La conception de la MNBC dépendra essentiellement de sa fonction visée : il s’agit d’un cas où « la forme suit la fonction ». Par conséquent, les MNBC futures pourraient différer en forme et fonctionnalité d’une zone monétaire à une autre.

Bien sûr, des MNBC ne devraient être émises que si les bénéfices perçus dépassent les inconvénients ou risques potentiels. Un euro numérique doit donc apporter une valeur ajoutée indéniable aux citoyens de la zone euro.

Tout d’abord, une MNBC est souvent censée réduire les coûts de transaction et augmenter l’efficacité dans les domaines des paiements, des marchés financiers et de l’économie réelle.[4] Elle pourrait également stimuler des services innovateurs et donner naissance à de nouveaux modèles commerciaux.

De plus, le fait qu’un euro numérique permettrait aux consommateurs et aux entreprises de payer avec de la monnaie de banque centrale dans un environnement numérique constitue, à mon avis, un facteur déterminant. Il s’agit là d’une caractéristique unique que le secteur privé ne saura reproduire. Comme l’a souligné mon collègue de la BCE, Fabio Panetta, un euro numérique n’aurait « aucun risque de liquidité, aucun risque de crédit et aucun risque de marché »[5] et ressemblerait ainsi à la monnaie fiduciaire.

Ainsi, les ménages et les entreprises disposeraient d’une possibilité supplémentaire pour utiliser de la monnaie publique alors que l’utilisation de la monnaie fiduciaire recule. En effet, il ressort d’une enquête représentative menée par la Bundesbank que la part des paiements en espèces dans les transactions aux points de vente effectués par les consommateurs allemands a baissé de 74 pour cent en 2017 à 60 pour cent l’an passé.[6] Certes, la pandémie pourrait avoir eu une influence sur le comportement en matière de paiements, et celle-ci pourrait de nouveau s’effacer. Mais la tendance sous-jacente est évidente. Et certains experts recommandent de se préparer à un avenir où la monnaie fiduciaire ne sera peut-être plus roi.

Outre la sécurité, un autre aspect de la monnaie fiduciaire hautement apprécié par beaucoup de personnes est son anonymat. Vous n’avez pas besoin de vous identifier lorsque vous payez en espèces. Il n’est donc pas étonnant que dans une consultation publique de l’Eurosystème, les consommateurs et les professionnels ont indiqué que la confidentialité devait être la plus importante caractéristique d’un euro numérique.[7]

Pour conserver la confiance des gens, il faudrait donc accorder une priorité absolue à la protection des données personnelles. Les règles européennes relatives à la protection des données devraient être respectées. Cependant, un euro numérique ne serait pas aussi anonyme que la monnaie fiduciaire. Afin de prévenir des activités illicites telles que le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme, les autorités légitimées devraient être en mesure de tracer des transactions dans des cas individuels et justifiés.

En général, le déclin dans l’utilisation de la monnaie fiduciaire est une des raisons majeures pourquoi de nombreuses banques centrales envisagent de proposer une MNBC. Mais soyons bien clairs : l’Eurosystème continuera à fournir des billets de banque tant que les gens souhaiteront de la monnaie fiduciaire. Un euro numérique serait destiné à compléter la monnaie fiduciaire, non pas à la remplacer. L’objectif serait d’élargir le choix des moyens de paiement des consommateurs dans un monde qui devient de plus en plus numérique.

Mesdames et Messieurs,

Vous connaissez certainement le conseil proverbial : vérifiez que l’échelle est posée contre le bon mur avant d’y monter. Il s’agit là d’un conseil qui devrait être suivi également en ce qui concerne les MNBC. Nous devons soigneusement réfléchir à l’objectif qu’une monnaie numérique de banque centrale devrait poursuivre. Et nous devons considérer et limiter les risques qui pourraient être liés à son introduction.

Par exemple, étant donné que la MNBC est un substitut aux dépôts bancaires, du moins à un certain degré, elle pourrait comporter des risques importants pour le fonctionnement du système financier et la mise en œuvre de la politique monétaire. Si, en temps de crise, les consommateurs venaient à se précipiter pour échanger massivement leurs dépôts à vue contre des MNBC, la stabilité financière pourrait être mise en péril.

Les déposants pourraient aussi transférer leurs fonds dans une MNBC seulement progressivement et sur une période prolongée. Même dans ce scénario, les banques perdraient une source confortable de financement stable. Pour compenser cette perte, elles pourraient de plus en plus se tourner vers d’autres sources comme le marché obligataire ou vers la banque centrale pour financer leurs activités. Cela pourrait impacter le volume de crédits que les banques commerciales octroient à l’économie. Les conséquences pour l’équilibre dépendent de différents facteurs et sont difficilement prévisibles.[8]

Toutefois, les rôles établis à l’intérieur du système financier pourraient être transformés. Et cela pourrait ne pas se limiter aux seules banques commerciales. La banque centrale pourrait finir par interagir directement avec les consommateurs, attirer des dépôts à grande échelle et substantiellement élargir son bilan. Hyun Song Shin de la BRI a souligné que pour cette raison, la banque centrale pourrait laisser une «empreinte beaucoup plus importante » sur le système financier.[9]

Nous avons un système monétaire et bancaire à deux éléments, avec une séparation claire des tâches entre la banque centrale et les banques commerciales. Conformément à l’économiste de Princeton, Markus Brunnermeier, il s’agit « probablement du partenariat public-privé le plus prononcé que nous ayons dans nos économies ».[10] Nous ne devrions pas le mettre en péril.

Cependant, cela n’invite pas non plus les banques à demander à être protégées comme une espèce en danger. Sur le plan positif, une MNBC pourrait renforcer la concurrence entre les banques et promouvoir de nouveaux services. Certaines banques pourraient aussi devenir plus prudentes et réduire le risque de tensions.

Mais concevoir une MNBC signifie aussi limiter ses risques. Afin d’éviter des retraits excessifs de dépôts bancaires, il a été proposé de plafonner le montant en euros numériques pouvant être détenu par chaque individu. Ou d’appliquer un taux de pénalité pour que des dépôts en euros numériques supérieurs à un certain montant ne soient plus intéressants.[11]

Des propositions comme celles-ci mettent en lumière les conflits d’intérêts difficiles auxquels les banques centrales font face. Une MNBC devrait être conçue d’une manière permettant à ses utilisateurs de récolter le plus possible ses bénéfices potentiels, tout en tenant à l’écart ses éventuels risques et effets secondaires. Elle devrait être suffisamment attrayante pour que les utilisateurs l’acceptent. En même temps, la MNBC ne devrait pas non plus être trop attrayante parce qu’elle pourrait autrement perturber le système financier.

La conception d’un euro numérique demeure vague. Ce ne devrait pas être une monnaie à tout faire. À mon avis, une approche graduelle devrait être sensée compte tenu des risques – cela signifie un euro numérique pourvu de caractéristiques spécifiques et la possibilité d’ajouter d’autres fonctionnalités plus tard.

Interopérabilité transfrontalière des MNBC

Un aspect qui rendrait les MNBC attrayantes serait leur utilisation pour des paiements transfrontaliers. Actuellement, de telles transactions sont toujours relativement inefficaces et coûteuses. Dans un rapport commun, un groupe d’institutions internationales a récemment souligné que « des services de paiement transfrontaliers plus rapides, moins chers, plus transparents et plus inclusifs apporteraient de larges bénéfices aux citoyens et aux économies du monde entier ».[12]

Toutefois, si un euro numérique était accessible aux non-résidents, cela aurait un effet sur le flux des capitaux et le taux de change de l’euro. Dans le cas d’une forte demande étrangère, un euro numérique augmenterait substantiellement le bilan de l’Eurosystème. Une utilisation internationale à grande échelle pourrait même entraîner une « euroisation » des systèmes financiers dans d’autres zones monétaires. Et, de même, l’émission d’une MNBC par des pays étrangers pourrait avoir des effets contraires sur la zone euro.

Cela nécessite une coopération internationale et multilatérale. Ou, pour l’exprimer simplement, de trouver une base commune. À mon avis, il est essentiel que les MNBC soient compatibles et ne s’entravent pas. Ainsi, un point principal de toutes les discussions sur les MNBC devrait être l’interopérabilité afin de permettre des paiements transfrontaliers.

Au niveau du G20, les discussions ont déjà commencé. Et le rapport que j’ai mentionné plus tôt propose différents degrés de coopération, allant d’une compatibilité fondamentale avec des normes communes jusqu’à la mise en place d’infrastructures de paiement internationales.

Je pense que le renforcement des paiements transfrontaliers devrait également être un thème important au niveau du G7 qui sera placé l’an prochain sous la présidence de l’Allemagne. Nous devrions saisir cette occasion pour nous pencher davantage sur les aspects internationaux des MNBC. Connectées les unes aux autres, les MNBC pourraient effectivement contribuer à l’efficacité des paiements transfrontaliers.

Régulation des Bigtechs

Mesdames et Messieurs,

Le fait que la monnaie peut révolutionner le monde n’a rien de neuf. Il y a plus de 2600 ans, le royaume de Lydie, situé dans ce qui est aujourd’hui la Turquie, frappa les premières pièces que le monde ait vues. Conformément à l’anthropologiste américain Jack Weatherford, l’invention des pièces a favorisé l’apparition d’une « variété et abondance de biens commerciaux qui menèrent rapidement à une autre innovation : le marché de détail ».[13]

La Grèce voisine non seulement adopta ces innovations, mais centra sa vie publique sur la place du marché – l’agora[14]. Selon Weatherford, « la Grèce (…) naquit de la place du marché et du commerce. Elle créa un tout nouveau genre de civilisation. »[15]

L’avenir nous montrera dans quelle mesure la numérisation de la monnaie sera révolutionnaire. La numérisation peut renforcer la transparence, les consommateurs étant capables de gagner un aperçu du marché avec seulement quelques clics. Mais elle pourrait aussi servir à concentrer le pouvoir et à paralyser la concurrence.

Au cours des dernières années, des initiatives privées portant sur les stablecoins ont intensifié les craintes en ce qui concerne l’augmentation du rôle des entreprises de la Bigtech dans les paiements et leur pouvoir de marché croissant en général. Les grandes plateformes numériques créent de puissants effets de réseau et des économies d’échelle qui peuvent faciliter la concentration du marché. Dès lors qu’un fournisseur devient dominant dans son marché, il peut entraver la concurrence, dicter des prix plus élevés et augmenter ses marges de profit au dépens des consommateurs.

Ce qui distingue les plateformes numériques d’aujourd’hui des réseaux créés dans le passé est le rôle joué par les données. De larges volumes de données – « big data » – permettent à des plateformes d’identifier des modèles, de créer des profils et de prévoir des comportements. Ainsi, une étude académique a révélé qu’à partir du moment où vous avez attribué 300 « j’aime », Facebook pourrait mieux vous connaître que vos amis et votre famille.[16]

Des données clients peuvent contribuer à améliorer les services des plateformes ou à mieux cibler de la publicité. Mais elles sont aussi un trésor qui peut aider les fournisseurs de plateformes à obtenir un avantage concurrentiel dans d’autres marchés. De plus, en créant des écosystèmes entiers, les entreprises de la Bigtech pourraient renforcer des effets de réseau et améliorer l’expérience clients, tout en stimulant les activités des utilisateurs, ce qui génère encore davantage de données.

Ainsi, des circuits autoalimentés et des effets de « verrouillage » pourraient lier des utilisateurs à une plateforme et exclure des concurrents.[17] Certains observateurs se sont souvenus de « Hotel California », la célèbre chanson du groupe rock américain « The Eagles » : c’est un endroit si agréable, avec plein de place ; mais une fois que vous êtes à l’intérieur, vous ne pouvez plus jamais sortir.

Si la concurrence est entravée par l’accroissement du pouvoir de marché des entreprises de la Bigtech, ce problème doit être résolu de manière fiable par le droit et la politique en matière de concurrence. Des craintes en ce qui concerne la protection des données ne relèvent pas non plus des banques centrales.

Toutefois, certaines questions importantes en matière de finance numérique entrent dans le cadre de la surveillance bancaire. Dans cette mesure, elles concernent aussi les banques centrales et les régulateurs financiers. D’autant plus qu’ici la domination du marché peut rapidement acquérir une importance systémique. Pensez à une plateforme qui fournit des services essentiels à un grand nombre de banques.

Dans le cas des Bigtechs, la démarcation traditionnelle qui sépare les rôles des régulateurs impliqués peut devenir floue.[18] Les différents acteurs devraient par conséquent coopérer plus intensément – à la fois au sein des juridictions et, en ce qui concerne les plateformes mondiales, également au niveau transfrontalier.

J’estime que la création de larges collèges de surveillance serait une approche appropriée. De tels « collèges interdisciplinaires et intergéographiques » pourraient renforcer l’échange d’informations et la coopération.

D’une manière générale, l’État doit définir des règles de base solides en matière de concurrence et faire en sorte que tout le monde les applique. En fin de compte, les gouvernements et les marchés devraient tous deux agir au service du peuple, et non pas l’inverse. Je suis par ailleurs convaincu qu’une politique de réglementation devrait aider les gens à utiliser leurs données personnelles comme bon leur semble, pour finalement renforcer la souveraineté des consommateurs.

Là aussi, un euro numérique pourrait servir d’instrument. L’Eurosystème n’a aucun intérêt commercial en ce qui concerne les données ou le comportement des utilisateurs. Un euro numérique pourrait par conséquent contribuer à sauvegarder ce qui a toujours été l’essence de la monnaie : la confiance.

Au-delà des MNBC

La technologie des registres distribués (TRD) est souvent considérée comme ayant un grand potentiel, par exemple quand il s’agit de rendre possible des paiements programmables. Bien sûr, un moyen de paiement programmable serait pratique pour des applications comme des contrats intelligents, les paiements de machine à machine, les paiements par l’Internet des objets ou les paiements en fonction de l’usage.[19]

Mais cela ne touche pas forcément les MNBC. Une solution alternative pour le secteur privé pourrait consister à tokeniser la monnaie de banque commerciale. La réglementation « MiCa » proposée par l’UE établit un cadre pour les jetons de paiement auquel le secteur privé peut s’orienter pour développer des solutions de paiement nécessaires dans une économie numérique.

Cependant, les bénéficiaires d’importants paiements pourraient préconiser un règlement en monnaie de banque centrale, celui-ci ne présentant aucun risque de défaillance. Si nous parvenions à établir un pont entre les réseaux de chaînes de blocs privés et l’infrastructure de paiement existante, le commerce basé sur la TRD pourrait être réglé en monnaie de banque centrale sans avoir besoin de MNBC. C’est pourquoi des experts de la Bundesbank recherchent une « trigger solution » qui permettrait aux contrats intelligents de déclencher des transactions TARGET2 conventionnelles.[20]

Une autre possibilité pourrait être que les banques centrales elles-mêmes émettent un jeton qui pourra être utilisé par les banques commerciales. Une telle « MNBC de gros » pourrait, par exemple, compléter des solutions innovantes dans le domaine de l’échange et du règlement d’actifs financiers. Compte tenu du fait que la tokenisation des actifs est de plus en plus répandue dans le monde des finances, un tel jeton de banque centrale pourrait apporter un important bénéfice.

Dans tous les cas, l’Eurosystème va continuer d’examiner le potentiel d’innovations au-delà des MNBC et d’améliorer ses infrastructures de paiement existantes. En même temps, nous devrions assurer que nos activités dans le domaine de la monnaie numérique ne découragent pas le secteur privé de développer des applications pratiques et efficaces pour les consommateurs et les entreprises.

Dans une économie de marché, il incombe principalement au secteur privé de proposer des solutions de paiement innovantes au public et d’interagir avec les consommateurs. La tâche des banques centrales consiste à fournir des infrastructures critiques sur la base desquelles d’autres acteurs peuvent développer et offrir leurs services, agissant ainsi en tant que catalyseur.

Conclusion

Mesdames et Messieurs,

Au 13e siècle, le marchand vénitien Marco Polo voyagea en Asie et fournit plus tard un vif récit des merveilles qu’il avait vues. Il décrivit en particulier quelque chose ressemblant à des feuilles de papier, qui était fabriqué à partir de l’écorce de murier et qui était universellement accepté en tant que monnaie à travers toute la Chine.[21]

Les récits de Marco Polo furent accueillis en Europe avec une grande incrédulité. Ce n’est que des siècles plus tard que la monnaie papier devint un moyen de paiement commun également en Europe. Les innovations dont nous parlons aujourd’hui se répandront beaucoup plus rapidement.

Les banques centrales doivent être à la pointe de la technologie. Autrement, elles ne sont pas en mesure de fournir la charpente des systèmes de paiement et d’offrir une monnaie sûre et digne de confiance pour l’ère numérique.

Cela a conduit toutes les grandes banques centrales à examiner la possibilité d’émettre une MNBC. Toutefois, notre succès en tant que créateur de monnaie ne dépendra pas tant de la vitesse, mais de la confiance de ceux qui sont supposés d’utiliser la monnaie.

Je vous souhaite un débat fructueux à ce symposium commun de la Bundesbank et de la Banque populaire de Chine.

Je vous remercie de votre attention.


Notes de bas de page:

  1. Deutsche Bundesbank, Digital money: options for payments, Rapport mensuel, avril 2021, p. 57-75.
  2. Banque des règlements internationaux (2021), Ready, steady, go? – Results of the third BIS survey on central bank digital currency, BIS Papers, n  114.
  3. Banque centrale européenne, L’Eurosystème lance un projet d’euro numérique, communiqué de presse, 14 juillet 2021.
  4. Bordo, M. et A. Levin (2017), Central Bank Digital Currency And The Future Of Monetary Policy, National Bureau of Economic Research, Working Paper, n° 23711; Keister, T. et D. Sanches (2019), Should Central Banks issue Digital Currency?, Federal Reserve Bank of Philadelphia, Working Paper, n° 19-26.
  5. Panetta, F., Preparing for the euro’s digital future, blog post, 14 juillet 2021.
  6. Deutsche Bundesbank, Payment behaviour in Germany in 2020, 14 janvier 2021.
  7. Banque centrale européenne (2021), Rapport de l’Eurosystème relatif à la consultation publique sur un euro numérique.
  8. Chiu, J., M. Davoodalhosseini, J. Jiang et Y. Zhu (2020), Bank market power and central bank digital currency: Theory and quantitative assessment, Bank of Canada, Staff Working Paper, n° 2010-20; Andolfatto, D. (2018), Assessing the impact of central bank digital currency on private banks, Federal Reserve Bank of St. Louis, Working Paper, n° 2018-25.
  9. Shin, H. S., Central banks and the new world of payments, discours du 30 juin 2020.
  10. Brunnermeier, M., discours lors de l’Academic Colloquium en honneur de Otmar Issing, 29 juin 2021.
  11. Bindseil, U., Tiered CBDC and the financial system, European Central Bank, Working Paper, n° 2351, janvier 2020; Panetta, F., interview avec Der Spiegel, 9 février 2021.
  12. Bank for International Settlements, Central bank digital currencies for cross-border payments, Report to the G20, juillet 2021.
  13. Weatherford, J. (1997), The History of Money, Three Rivers Press, New York, p. 31.
  14. Weidmann, J., Exploring the agora: Lessons for a more stable economic and monetary union, discours du 30 août 2018.
  15. Weatherford, J. (1997), op. cit., p. 37.
  16. Youyou, W., M. Kosinski et D. Stillwell (2015), Computer-based personality judgments are more accurate than those made by humans, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 112, p. 1036-1040.
  17. Banque des règlements internationaux, CBDCs: an opportunity for the monetary system, BIS Annual Economic Report 2021, pp. 65-95.
  18. Carstens, A., S. Claessens, F. Restoy et H. S. Shin (2021), Regulating big techs in finance, BIS Bulletin, n° 45.
  19. Deutsche Bundesbank, Money in programmable applications, Rapport mensuel, avril 2021, p. 62; Deutsche Bundesbank, Money in programmable applications – Cross-sector perspectives from the German economy, 21 décembre 2020.
  20. Deutsche Bundesbank, The Bundesbank’s trigger solution, Rapport mensuel, avril 2021, p. 67.
  21. The Travels of Marco Polo, livre 2, chapitre 24: How the Great Kaan Causeth the Bark of Trees, Made Into Something Like Paper, to Pass for Money All Over his Country, wikisource.org.