Déclaration liminaire à l’occasion de la conférence de presse sur le bilan 2019

1 Introduction

Mesdames et Messieurs,

Je vous souhaite la bienvenue à notre conférence de presse sur le bilan.

Le bilan peut être vu comme l’essence d’une année : 365 jours compilés sous forme de chiffres qui tiennent sur deux pages de format DIN-A4. Dresser un bilan signifie de porter son regard sur ce qui s’est passé. Mais je sais que vous êtes aussi surtout intéressés par les évolutions et les perspectives actuelles et je ne voudrais pas vous décevoir sur ce point.

À cette fin, je me prononcerai tout d’abord – fidèlement à la tradition – au sujet de la conjoncture et de la politique monétaire pour ensuite aborder les principaux points de nos comptes annuels.

Puis M. Beerman vous expliquera plus en détail certains aspects de notre bilan.

2 Situation économique

Mesdames, Messieurs,

L’an passé, l’évolution économique a perdu de sa vigueur en Allemagne, dans la zone euro et dans le monde entier.

Au niveau mondial est intervenue une accalmie conjoncturelle après la dynamique plutôt soutenue en 2017. Les conséquences pour l’Allemagne et l’Europe étaient des impulsions plus faibles au niveau de la demande extérieure.

Cela vaut d’autant plus que les marchés extérieurs de la zone euro ont connu une évolution plus faible que l’environnement international dans son ensemble. Ainsi, par exemple, les problèmes économiques en Turquie ont joué un rôle.

À cela se sont ajoutées, en particulier en Allemagne, des évolutions spécifiques. Somme toute, le ralentissement économique a été plus prononcé en Europe qu’au niveau mondial. La performance économique de la zone euro a augmenté l’an passé de 1,8 pour cent. Ce rythme est certes moins important qu’en 2017, mais se situe selon les estimations courantes toujours au-dessus du potentiel de croissance.

En Allemagne, l’économie a crû en 2018 de 1,5 pour cent en valeur corrigée des effets de calendrier et donc environ autant que ses capacités, dont le taux d'utilisation demeure ainsi à un niveau élevé.

Les chiffres moyens annuels masquent toutefois le fléchissement conjoncturel intervenu dans le courant de l’année, en particulier au second semestre.

Dans l’ensemble, les nouvelles émanant de l’économie allemande au cours des derniers mois étaient décevantes. Au troisième trimestre, la performance économique de l’Allemagne a même reculé – surtout en raison des difficultés des constructeurs de véhicules particuliers liées aux nouvelles procédures de contrôle des émissions.

L’industrie automobile a mis beaucoup plus de temps que prévu pour maîtriser ce problème. De plus, la production a également ralenti dans d’autres secteurs industriels au dernier trimestre. Pour cette raison, l’économie allemande, dans son ensemble, a marqué le pas au cours des derniers mois de l’année passée.

Les entrées de commandes dans le secteur manufacturier se sont stabilisées à un niveau nettement plus faible et à l’heure actuelle les indicateurs de tendances font apparaître un net refroidissement du climat des affaires.

Beaucoup d’éléments portent donc à croire que le fléchissement économique se poursuivra jusque dans l’année en cours. Par conséquent, la croissance économique de l’Allemagne devrait rester en 2019 nettement au-dessous du taux potentiel de 1,5 pour cent.

Il faut reconnaître les faits comme tels, mais je considère qu’il n’y a pas lieu de voir l’avenir économique en noir.

En ce qui concerne le marché intérieur allemand, il convient notamment de porter le regard sur le marché du travail. Celui-ci se présente toujours en excellente santé.

Ainsi, le taux de chômage a reculé au cours des derniers mois pour s’établir à 5 pour cent (en données corrigées des variations saisonnières), soit à son niveau le plus bas depuis la réunification.

  • Par ailleurs, l’emploi bat constamment de nouveaux records : en décembre, le nombre des actifs occupés a dépassé le chiffre de 45 millions.
  • Et la demande de main d’œuvre des entreprises demeure élevée. Avec 1,5 million de postes à pourvoir, l’Institut de recherche sur l'emploi a annoncé la semaine passée une nouvelle valeur record.
  • L’amélioration persistante sur le marché du travail s’est par ailleurs traduite dans l’évolution des salaires : l’an passé, ces derniers ont connu une hausse considérable – même hors inflation,
  • alors que nous avons enregistré le taux le plus élevé depuis 2012 : les prix à la consommation ont augmenté (sur la base de l’IPCH) de 1,9 pour cent.

En ce qui concerne l’évolution du marché du travail, les fluctuations à court terme dans l’industrie et d’autres secteurs ne jouent qu’un rôle secondaire, elle est plutôt marquée par la tendance fondamentale à moyen terme de l’économie. Par conséquent, la création d'emplois et la hausse soutenue des salaires se poursuivront probablement cette année.

La croissance économique s’appuie sur de solides fondations qui reposent sur des conditions de financement favorables, une augmentation du nombre d’actifs et des salaires en hausse. D’autres impulsions proviennent cette année de l’assouplissement en matière de politique budgétaire.

En d’autres termes : l’économie ne devrait pas mettre la marche arrière, mais plutôt moins accélérer en 2019 que dans les années précédentes.

C’est le scénario que je considère actuellement comme le plus probable. En même temps, cette prévision conjoncturelle est marquée par une importante incertitude.

3 Incertitude et risques

Au cours des derniers mois est souvent apparue la crainte que l’incertitude accrue dans l’économie puisse freiner en particulier les investissements.

Un argument en cette faveur est qu’il pourrait être judicieux pour les entreprises de reporter une décision d’investissement jusqu’à ce que la situation soit plus claire.[1]

Il est difficile d’évaluer avec précision de tels effets. Au cours des derniers mois, différentes mesures ont certes laissé présumer une augmentation de l’incertitude. Mais les indicateurs sont restés en partie au-dessous de leur moyenne à long terme ou n’ont pas présenté dans le passé une corrélation étroite avec l’activité macroéconomique. Cela semble donc indiquer que l’activité économique n’est à présent pas soumise à des influences qui la freineraient de manière significative.

Néanmoins, l’incertitude joue actuellement un rôle important en particulier dans mes entretiens avec des entrepreneurs. Il est possible que ce soit cette incertitude qui perdure depuis longtemps qui influe sur la confiance des entrepreneurs.

Par ailleurs, deux évolutions politiques à la conclusion incertaine ont tout à fait le potentiel de devenir une véritable hypothèque pour la conjoncture.

D’abord, le conflit commercial international n’est pas encore résolu. Il y a donc toujours un risque que le protectionnisme se renforce dans le monde entier.

Ce que cela signifie est illustré par le litige commercial entre les États-Unis et la Chine. Rien que les barrières commerciales déjà décidées pourraient selon un calcul sur modèle réalisé par la Bundesbank réduire la performance économique des deux parties à moyen terme respectivement de 0,5 pour cent et le commerce mondial de 1 pour cent.[2]

Et il y a toujours la menace de prélever des droits de douane supplémentaires sur les importations d’automobiles.

Mais au moins les États-Unis ont-ils joint la table des négociations avec la Chine et l’UE. Si les entretiens aboutissaient finalement à des marchés plus ouverts qu’avant les négociations, cela serait même un véritable progrès.

Ces accords bilatéraux pourraient peut-être empêcher que la spirale funeste de droits de douane réciproques continue de tourner. Mais ils ne peuvent certainement pas remplacer les acquis du système commercial multilatéral basé sur des règles. Il convient donc de préserver l’ordre commercial mondial et de le développer.

Un deuxième facteur d’incertitude est le Brexit. Selon l’état des choses, le Royaume-Uni pourrait quitter l’Union européenne le 29 mars – avec ou sans accord de sortie, ce qui est encore incertain à l’heure actuelle.

La Bank of England (BoE) a simulé des scénarios très différents les uns des autres.[3] Dans la même mesure, l’éventail des effets macroéconomiques possibles est lui aussi très large.

  • Si l’on parvenait à maintenir un partenariat étroit entre le Royaume-Uni et l’UE, l’économie britannique pourrait même connaître un essor plus favorable qu’on le prévoit actuellement.
  • D’un autre côté, la BoE met en garde en cas de Brexit désordonné contre des perturbations passagères dans le commerce et le risque d’une grave récession au Royaume-Uni. Au pire des cas, la performance économique britannique pourrait chuter de 8 pour cent, ce qui aurait aussi des effets sur l’économie dans la zone euro et en Allemagne.

Le régulateur bancaire allemand a très tôt demandé que les établissements de crédit se préparent à un Brexit désordonné. Et cette ligne stricte a payé : selon nos estimations, les préparatifs des établissements sont dans un stade très avancé et en partie déjà achevés avec succès.

La plupart des banques britanniques qui ont besoin de licences pour leurs unités basées dans la zone euro les ont déjà reçues ou devraient les obtenir d’ici au 29 mars. Ainsi, elles seront en mesure de maintenir leurs relations d’affaires avec leurs clients dans l’UE.

Au total, 16 établissements de crédit ont décidé soit de transférer des unités en Allemagne soit de fortement renforcer leurs activités déjà présentes dans le pays.

4 Politique monétaire

Venons-en à la politique monétaire.

Dans ce contexte a été prise en décembre la plus importante décision de l’année passée, quand le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé d’arrêter les achats nets de titres à la fin de l’année. Cette décision marque le premier pas sur le long chemin de la normalisation en matière de politique monétaire.

Dans le cadre du programme d'achats d'actifs (APP), l’Eurosystème a acquis au total des titres d’une valeur de près de 2 600 milliards d’euros.

Maintenant les achats nets sont certes terminés, mais pas le programme proprement dit. En effet, les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance seront entièrement réinvestis jusqu'à nouvel ordre. De cette manière, le stock total des titres dans les comptes de l’Eurosystème demeure à un niveau élevé. Et c’est précisément ce stock qui est essentiel pour l’effet économique du programme.

À cela s’ajoutent les taux directeurs qui demeurent à un niveau bas. Le Conseil des gouverneurs de la BCE prévoit qu’ils resteront à leurs niveaux actuels au moins jusqu’à l’été 2019 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire.

  • Actuellement, les marchés considèrent, sur la base de leur interprétation des données, qu’une première hausse des taux directeurs pourrait intervenir plus tard que cela n’avait encore été attendu début décembre. Cela freine (en soi) les intérêts sur le marché des capitaux et soutient ainsi les conditions de financement des entreprises.
  • Cela montre aussi que nos indications sur l'orientation future dépendant de la situation agissent comme une sorte de « pilote automatique » : sans apport de la politique monétaire, elle a – quasiment de manière automatique – entraîné une réaction des acteurs du marché.

Mais, dans son ensemble, la politique monétaire dans la zone euro demeure très expansive. C’est ce qu’indiquent différentes mesures du degré d’expansion, tels que les taux d'intérêt réels à court terme ou l’écart entre les intérêts selon la règle de Taylor et le taux directeur. Elles se situent actuellement proche des valeurs mesurées au point culminant de la crise.

Les étapes suivantes de la normalisation de la politique monétaire dépendent de l’évolution des perspectives d’inflation dans la zone euro.

Les services de la BCE présenteront leurs projections macroéconomiques la semaine prochaine. Je ne voudrais pas anticiper sur ces dernières.

Mais il est clair pour moi que des fluctuations à court terme du prix du pétrole – comme la forte baisse à la fin de l’année 2018 –, mais aussi des corrections apportées aux anticipations de croissance pour 2019, peuvent temporairement influencer les perspectives d’inflation.

L’objectif du Conseil des gouverneurs de la BCE en matière de stabilité des prix étant toutefois défini à moyen terme, nous devrions donc regarder au-delà de ces fluctuations. À moyen terme et en l’état actuel des choses, la situation du marché du travail, qui demeure favorable, et la croissance plus élevée des salaires renforceront peu à peu l’inflation sous-jacente dans la zone euro.

Actuellement, la question qui se pose principalement en matière de politique monétaire est celle de savoir comment des décisions devraient être prises en période d’incertitude.

Habituellement, la littérature académique conseille d’agir avec davantage de prudence en période d’incertitude. Lorsque des scénarios très différents les uns des autres semblent possibles, la politique monétaire devrait prendre des décisions suffisamment robustes et ne pas trop réagir aux écarts de certains indicateurs.

Mais s’il y a un risque de scénarios aux lourdes conséquences, il peut être approprié de se prémunir contre leur réalisation au moyen d’une action politique préventive. Ainsi, il était approprié lors de la crise financière de réagir rapidement et fermement en matière de politique monétaire afin d’empêcher une spirale vers le bas déflationniste des prix et des salaires.

Mais actuellement, il n’y a pas lieu de craindre une déflation. Selon nos calculs, la probabilité basée sur les marchés d’une déflation n’est que de 1,5 pour cent. Les anticipations d'inflation à plus long terme pour la zone euro extraites des instruments de marché ont certes un peu diminué au cours des derniers mois, mais les mesures tirées d’enquêtes font toujours apparaître des valeurs inférieures à, mais proches de 2 pour cent.

Parmi les risques qu’on ne devrait pas ignorer figurent également les effets secondaires indésirables de la politique monétaire extrêmement expansive. Lors de la crise financière, nous avons vu comment des risques pour la stabilité financière pouvaient influencer l’évolution économique et finalement avoir un effet sur la stabilité des prix.

La normalisation progressive de la politique monétaire prendra probablement plusieurs années. Je considère donc que l’on devrait continuer dans cette voie dans la mesure où l’évolution des prix le permet.

Dans ce contexte, je ne pense pas uniquement aux risques pour la stabilité financière qui peuvent se créer dans un environnement persistant de taux d’intérêt bas. À terme, la capacité d’agir de la politique monétaire ne doit pas être ignorée.

Si, contre toute attente, les perspectives d’inflation devaient sensiblement se détériorer, l’Eurosystème disposerait de différents instruments de politique monétaire. Mais les outils non conventionnels ont un autre rapport coût-efficacité que la politique monétaire conventionnelle. Dans cette optique, la pondération entre efficacité et effets secondaires de certains instruments s’avère éventuellement moins bonne que par le passé et limite finalement la marge de manœuvre.

Finances publiques

Par ailleurs, il doit être clair que la politique monétaire se concentre sur le maintien de la stabilité des prix. En cas de fort choc conjoncturel, la politique budgétaire serait certainement aussi appelée à contribuer.
Des pays membres de la zone euro aux finances publiques solides en auraient certainement la possibilité dans le cadre des règles budgétaires existantes.
Malheureusement, au cours des dernières années, la phase de taux d’intérêt bas et l’environnement économique favorable n’ont souvent pas été mis à profit pour suffisamment améliorer la solidité des finances publiques et diminuer les ratios d’endettement élevés. Je crains que la chance ait été manquée de constituer des provisions pour des périodes plus difficiles. 
Le plafond défini pour le niveau d’endettement et le déficit prévu dans le Pacte de stabilité et de croissance ont trop souvent été dépassés.

  • Depuis l’introduction de l’euro, les pays participants ont dépassé la valeur de référence de 3 pour cent fixée pour le déficit dans presque 40 pour cent des cas.
  • En ce qui concerne le taux d’endettement, le bilan est encore plus décevant : la limite de 60 pour cent de la performance économique a été enfreinte par les États membres dans largement plus de la moitié des cas.

En 2018, l’endettement des pays de la zone euro n’a également que faiblement diminué malgré l’environnement économique favorable et des taux d’intérêt extrêmement bas. Seuls dix États de la zone euro étaient au-dessous ou tout au moins proches du plafond de 60 pour cent.
Des finances publiques stables constituent une base essentielle d’une politique monétaire orientée sur la stabilité. Elles sont également importantes pour surmonter les effets significatifs et prévisibles du changement démographique. 
En Allemagne, la pression s’exercera surtout sur le régime public de retraite, le niveau des retraites étant souvent au cœur des débats. L’ancien consensus en matière de retraites prévoyait au fil du temps une baisse du niveau supposée être compensée par une prévoyance privée. Je considère toujours que cette approche est en principe compréhensible et voudrais mettre en garde de ne pas perdre de vue la future pression sur les retraites dans cette période financière particulièrement favorable.
Un concept global soutenable devrait tenir compte de la charge fiscale, donc de la somme des cotisations aux systèmes de protection sociale, mais aussi des impôts. Des charges trop élevées nuisent à l’emploi. Or, l’offre de main d’œuvre diminuera de toute manière pour des raisons démographiques.
À l’avenir, il s’agira de soutenir l’emploi. Par conséquent, la Bundesbank attire l’attention, depuis un certain temps déjà, sur le fait que, face à la hausse de l’espérance de vie et à une constitution physique améliorée, une nouvelle adaptation de l’âge légal de départ à la retraite paraît concevable. 
Si le rapport entre la phase de vie active et la phase de retraite était à peu près maintenu, une telle mesure n’aurait pas d’incidence négative sur les futurs retraités. Elle empêcherait uniquement que des périodes de cotisation constantes feraient face à des périodes de perception de la retraite de plus en plus longues. 
Dans son ensemble, je pense que le principe de base actuel du régime de retraite, à savoir le principe d’équivalence, est opportun : une hausse des cotisations individuelles implique une retraite individuelle plus élevée. Des prestations sociales indépendantes de la retraite devraient être financées de manière transparente et compréhensible au moyen de recettes fiscales. Cela vaut aussi pour un éventuel renforcement sous forme de la retraite de base prévue dans le contrat de coalition et qui a fait dernièrement l’objet de débats.

6 Renforcer les facteurs de croissance

Mesdames, Messieurs,
Outre maintenir des finances publiques solides, la politique devrait prioritairement s’engager à assurer des facteurs de croissance durables. 
Là aussi, l’Allemagne devra faire face à un important défi en raison du changement démographique. La Bundesbank estime que les ressources en main-d'œuvre, donc la population active potentielle, diminueront dès 2022. Le solde migratoire positif ne suffira alors plus pour compenser les effets du vieillissement.

  • Au cours des dernières années, le facteur travail avait – entre autres en raison de l’immigration massive – soutenu le potentiel de croissance d’environ 1,5 pour cent. Mais il entraînera, probablement à partir de 2021, une diminution progressive du potentiel de croissance qui ne s’élèvera plus qu’à environ 1 pour cent en 2028.

La participation au marché du travail constitue un domaine pouvant être influencé par la politique. En particulier, les personnes plus âgées et les immigrés peuvent contribuer par une incitation accrue à occuper un emploi à stabiliser l’offre de main d’œuvre dans l’ensemble de l’économie.
Par ailleurs, le taux d’emploi à temps partiel des femmes est toujours nettement plus élevé en Allemagne que dans la moyenne des pays de l’UE. De meilleures offres de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes dépendantes pourraient promouvoir l’offre de main d’œuvre.
Compte tenu du vieillissement de la population, il importera encore davantage à l’avenir que chaque actif potentiel puisse apporter ses capacités au marché du travail. 
Au-delà de l’offre de main d’œuvre, la prospérité de notre société dépend de manière décisive du volume de richesse pouvant être généré par chaque actif.
Pour moi, le rôle de l’État consiste à créer un environnement favorable dans lequel les entrepreneurs privés peuvent proposer des produits et services innovants qui répondent aux besoins des consommateurs. Dans ce contexte, la concurrence crée les conditions pour que les consommateurs et les salariés puissent eux-aussi bénéficier des gains de prospérité générés.

  • La concurrence pour attirer des clients entraîne une baisse des prix, et celle pour attirer la main-d'œuvre une hausse des salaires. La concurrence incite aussi à innover, parce que les entreprises peuvent s’assurer une avance temporaire par rapport à leurs concurrents en proposant de nouveaux produits. De plus, les consommateurs profitent d’une offre élargie.

Les marchés ouverts encouragent la concurrence. Le marché unique européen en est le meilleur exemple. Des analyses ont prouvé qu’il a sensiblement augmenté la prospérité en Europe. [4]
L’État devrait par conséquent éliminer les distorsions de concurrence et remédier aux défaillances des marchés. En revanche, la gestion étatique et le repli sur soi ne se sont pas avérés dans le passé être des leviers appropriés pour renforcer la productivité et la prospérité : l’État n’est certainement pas le meilleur entrepreneur.
À mon avis, la taille des entreprises devrait être définie par des décisions économiques du secteur privé et les forces du marché. En particulier les petites et moyennes entreprises avec leurs « champions cachés » constituent un atout de notre économie.

  • Leur succès ne repose justement pas sur des directives étatiques. Cela vaut par ailleurs aussi pour la montée souvent admirée de certaines grandes entreprises du secteur technologique. 

Et nous ne devrions pas non plus compromettre les gains de prospérité qui découlent de l’étroite interdépendance économique avec nos pays partenaires. Ceci inclut les chaînes de valeur mondiales dans lesquelles les entreprises se concentrent sur les produits dont la production leur procure des avantages comparatifs. 
Notamment l’économie allemande vit de l’ouverture. L’an passé, les entreprises allemandes ont exporté dans le monde entier des biens et des services d’une valeur d’environ 1 600 milliards d’euros. Cela correspond à presque la moitié du produit intérieur brut. 
La contrepartie de l’exportation de biens est celle de capital.
Le stock d’investissements directs allemands à l’étranger a augmenté en 2016 à environ 1 100 milliards d’euros. Plus de la moitié de ces investissements ont été réalisés auprès de nos partenaires en dehors de l’UE. Cela a aussi des répercussions positives sur la croissance économique en Allemagne : des analyses ont montré que les investissements à l’étranger génèrent de nouveaux investissements en Allemagne. [5]
Inversement, presque 17 000 entreprises avec une participation financière étrangère étaient actives en Allemagne en 2016. Les investisseurs étrangers disposaient de stocks d’investissements directs d’un montant de presque 500 milliards d’euros. Ces entreprises ont réalisé un chiffre d’affaires d’environ 1 500 milliards d’euros et ont employé 3 millions de personnes. 
Les investissements directs en provenance de et vers l’Allemagne sont essentiels pour la prospérité de notre économie ouverte.
Des intérêts de sécurité légitimes peuvent certes exister dans des domaines sensibles. En particulier la politique commerciale américaine montre toutefois que la limite avec les motifs protectionnistes ne peut pas toujours être tracée de manière objective et avec précision.
Et les entreprises étatiques peuvent certainement fausser la concurrence internationale. La réponse doit cependant consister à renforcer les forces du marché et de ne pas les affaiblir également chez nous. 

7 Comptes annuels – bénéfice et provision pour risques

Mesdames, Messieurs,
Je voudrais aborder maintenant le thème des comptes annuels.
À l’actif du bilan, les programmes d’achat réalisés dans le cadre de la politique monétaire ont de nouveau été les principaux éléments de l’extension du bilan, suivis des apports de liquidités en provenance d’autres pays de l’UE.
Le passif du bilan enregistre surtout une hausse des dépôts libellés en euros des déposants allemands et étrangers.
Le compte de pertes et profits pour l’exercice 2018 clôt avec un excédent annuel de 2,5 milliards d’euros. Ce montant est supérieur d’environ un demi-milliard d’euros par rapport à l’exercice précédent. Cette hausse est principalement imputable à l’augmentation des produits d’intérêts en raison des intérêts négatifs perçus sur le volume accru des dépôts. 
Après dotation aux réserves, il reste un bénéfice distribuable de 2,4 milliards d’euros que nous avons aujourd’hui entièrement versé au Trésor public. Conformément au plan budgétaire pour l’année 2019, il doit être affecté au financement du budget.
Au cours des deux dernières années, nous avions déjà tenu compte des risques de variation des taux d’intérêt plus élevés et augmenté les provisions pour risques en deux tranches – de 1,75 milliard d’euros en 2016 et de 1,075 milliard d’euros en 2017. Et j’avais annoncé l’an passé qu’une troisième tranche suivrait. 
En fonction de cette situation de départ, le Directoire a évalué le montant des provisions pour risques nécessaire en tenant compte à la fois de la situation de risque actuelle de la Bundesbank et du potentiel de couverture des risques existant. Au final, la provision pour risques est augmentée de 1,475 milliard d’euros à désormais 17,9 milliards d’euros.

  • Habituellement, les provisions pour risques sont constituées pour se protéger contre les risques de change, mais en raison des mesures de politique monétaire non conventionnelles, elles couvrent également les risques de défaut et les risques de variation des taux d’intérêt. Ces derniers sont surtout nés de la forte asymétrie d’échéances : à l’actif, nous avons un stock élevé de placements en titres à faible taux d’intérêt avec en partie une durée résiduelle très longue, au passif par contre surtout des dépôts à court terme.

Je donne la parole maintenant à M. Beermann, qui vous fournira des informations plus détaillées sur nos comptes annuels. Ensuite, nous serons comme toujours à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je vous remercie de votre attention.


Notes de bas de page

  1. Cf. B. S. Bernanke (1983), Irreversibility, uncertainty, and cyclical investment, The Quarterly Journal of Economics, vol. 98, p. 85-106.
  2. Cf. Deutsche Bundesbank, Zu den möglichen weltwirtschaftlichen Folgen des Handelskonflikts zwischen den USA und China, Rapport mensuel, novembre 2018, p. 12-14.
  3. Cf. Bank of England, EU withdrawal scenarios and monetary and financial stability, November 2018.
  4. Cf. entre autres H. Badinger (2005), "Growth Effects of Economic Integration : Evidence from the EU Member States", Review of World Economics, vol. 141, p. 50-78.
  5. Cf. : S. Goldbach, A. J. Nagengast, E. Steinmüller et G. Wamser (2019), The effect of investing abroad on investment at home: on the role of technology, tax savings and internal capital markets, Journal of International Economics, vol. 116, p. 58-73.