Weidmann lors de son discours au Übersee-Club Hamburg ©Nils Thies

Weidmann souligne les risques liés aux vastes achats de titres souverains

Du point de vue du président de la Bundesbank, Jens Weidmann, l'atonie de la hausse des prix à moyen terme dans la zone euro a récemment fait apparaître un besoin d’agir de la part de la politique monétaire. Mais il serait également essentiel pour lui que la part détenue par les banques centrales dans les titres souverains en circulation ne soit pas trop importante. « Sinon, nous risquons de gagner une influence dominante sur le marché et d'aplanir les différences dans les primes de risque des titres souverains », a déclaré M. Weidmann lors d'un discours virtuel à l'Université Humboldt de Berlin. Ce serait surtout ce problème précis qui serait aggravé une fois de plus par la récente augmentation de la taille de l’enveloppe du PEPP. Lors du lancement de ce programme d'achats d'urgence, il aurait été aussi essentiel pour lui que le programme soit limité dans le temps et clairement lié à la crise. « Nous devons veiller à ce que les mesures d'urgence en matière de politique monétaire ne deviennent pas un dispositif permanent : elles doivent être réduites à nouveau après la crise », a averti M. Weidmann. De plus, la politique monétaire doit être normalisée dans son ensemble si l'anticipation des prix l'exige, a déclaré le président de la Bundesbank. En raison de l'augmentation du fardeau de la dette des États, la politique monétaire pourrait par la suite se voir de plus en plus contrainte de maintenir les taux d'intérêt à un niveau bas encore plus longtemps. Les banques centrales devraient dès à présent clairement indiquer qu'elles n'allaient pas se plier à une telle pression.

Économie allemande : Retour au niveau d'avant-crise au début de 2022

Selon M. Weidmann, la deuxième vague de la pandémie et le récent renforcement des mesures prises pour endiguer les infections pourraient à court terme peser un peu plus lourdement sur l'économie allemande que ne le prévoyaient les prévisions de la Bundesbank publiées la semaine dernière. Toutefois, il serait toujours réaliste, du point de vue actuel, que les progrès médicaux permettront d'assouplir les mesures de confinement à partir du printemps 2021. « La reprise devrait alors reprendre de l’élan. En conséquence, l'économie allemande peut toujours regagner son niveau d'avant-crise au début de 2022, comme indiqué dans les prévisions », a expliqué M. Weidmann. L'incertitude quant à l'évolution de la pandémie et aux effets économiques serait toutefois élevée.

Indépendance en période de faible inflation

Dans son discours, M. Weidmann a mis en garde contre la remise en cause de l'indépendance des banques centrales dans le contexte de faiblesse persistante de l'inflation. Selon certaines voix, l'indépendance des banques centrales semblerait devenue inutile dans un monde à faible inflation, étant donné que les politiques monétaire et budgétaire iraient de toute façon dans le même sens. « Nous ne devons pas nous leurrer sur l'hypothèse que les politiques monétaire et budgétaire vont toujours poursuivre le même chemin » a déclaré M. Weidmann. Il a également mis en garde les banques centrales contre le risque de s’entremêler avec la politique et d'être surchargées de plus en plus par de nouveaux objectifs et de nouveaux souhaits plus elles donnent une interprétation large à leur mission. « Tôt ou tard, leur indépendance serait alors remise en question – et ce, à mon avis, à juste titre », a précisé M. Weidmann. Ce serait rendre un mauvais service à la stabilité des prix. Les banques centrales devraient donc maintenir suffisamment de distance vis-à-vis de la politique budgétaire, et il en irait de même en ce qui concerne la politique économique ou la politique climatique.

Protection du climat et politique monétaire

M. Weidmann a précisé que la protection du climat était l'un des principaux défis de notre époque et que les banques centrales devraient également contribuer à la lutte contre le changement climatique. « Nous pouvons et devons tous faire davantage, y compris les banques centrales. Nous devons avant tout mieux comprendre les implications que le changement climatique peut avoir pour la politique monétaire. Car nous devons continuer à être en mesure de garantir la stabilité des prix », a indiqué M. Weidmann. Il ne serait toutefois pas du devoir de la banque centrale de sanctionner ou de promouvoir certains secteurs économiques. « De telles décisions décalent fortement la distribution des ressources et des revenus et nécessitent donc une forte légitimation démocratique », a déclaré le président de la Bundesbank. Pour freiner le changement climatique, il serait essentiel de fixer un prix plus élevé pour les émissions de CO2. « La politique monétaire ne peut pas se substituer à une tarification ambitieuse du CO2 et à une politique climatique cohérente et crédible », a expliqué M. Weidmann. Il a souligné que l'Eurosystème pourrait jouer un rôle de catalyseur pour le changement « vert » du système financier, tout en soutenant les politiques climatiques de l'UE, sans risquer d’entrer en conflit avec ses tâches essentielles.