Weidmann : Le Conseil des gouverneurs de la BCE est allé trop loin

Du point de vue du président de la Deutsche Bundesbank, Jens Weidmann, le Conseil des gouverneurs de la BCE est allé trop loin avec son vaste programme destiné à encore assouplir la politique monétaire. « En effet, la situation économique n’est pas vraiment mauvaise, les salaires enregistrent des hausses substantielles et un risque de déflation, c’est-à-dire un recul durable des prix et des salaires, n’est pas en vue », a-t-il déclaré dans une interview accordée au journal BILD. M. Weidmann a justifié les mesures du Conseil par le fléchissement de la conjoncture en Allemagne et dans les autres pays de la zone euro et par les perspectives d’inflation de la BCE qui, en conséquence, ont été revues à la baisse.

Lors de sa réunion de jeudi, le Conseil des gouverneurs de la BCE avait décidé diverses mesures de politique monétaire destinées à renforcer la conjoncture et donc la hausse des prix dans la zone euro. Ainsi, le taux d’intérêt de la facilité de dépôt des banques auprès des banques centrales de l’Eurosystème a été abaissé de -0,40 pour cent à -0,50 pour cent. En même temps, un système de rémunération des réserves à deux paliers, dans lequel une partie de l’excédent de liquidité détenu par les banques ne sera pas soumise au taux négatif de la facilité de dépôt, a été mis en place. Par ailleurs, l’Eurosystème reprendra les achats nets dans le cadre de son programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP). À compter du 1er novembre, les banques centrales de la zone euro achèteront des titres du secteur public et d’autres titres à un rythme mensuel de 20 milliards d’euros. Les banquiers centraux n’ont pas fixé de limite de durée pour ces achats. Le Conseil des gouverneurs a également assoupli les modalités d’octroi de crédits à plus long terme, les TLTRO, afin qu’il soit encore plus favorable pour les banques d’emprunter des fonds auprès de la banque centrale.

Ne pas reporter les hausses des taux d’intérêt plus longtemps que nécessaire

Selon M. Weidmann, un paquet de mesures aussi vaste n’aurait pas été nécessaire pour soutenir la hausse des prix dans la zone euro. Après cette décision, il est clair que la période de taux d’intérêt bas persistera quelque temps encore, a-t-il précisé. Ce qui importe pour lui, c’est de sortir de la politique monétaire expansive dès que les prévisions d’inflation le permettront. Il a précisé qu'avec ses dernières décisions, le Conseil des gouverneurs de la BCE s'était toutefois lié sur le long terme.

Une sortie de plus en plus difficile

Dans l’entretien avec le journal BILD, M. Weidmann a en principe défendu la politique monétaire expansive des dernières années qui était, selon lui, « appropriée ». Mais il a toujours attaché une grande importance à ce que la politique monétaire ne soit pas guidée par la politique budgétaire, car cela compromettrait la capacité à assurer la stabilité des prix. « Avec la décision d’acquérir encore plus de titres souverains, le risque a augmenté et il devient de plus en plus difficile pour la BCE de sortir de cette politique », a mis en garde M. Weidmann.

Il a admis que la politique monétaire actuelle pesait sur les épargnants. « D’une manière générale, il deviendra plus difficile d’épargner pour la retraite sans prendre davantage de risques », a déclaré le président de la Bundesbank. Mettre des fonds de côté pour l’avenir et assurer sa prévoyance vieillesse demeure toutefois judicieux, même en cas de taux d’intérêt bas, a-t-il ajouté.