Rapport mensuel : Le rôle de l'ANFA en matière de politique monétaire

Il convient de saluer la publication de l'Accord sur les actifs financiers nets (ANFA) par la Banque centrale européenne (BCE) au début du mois de février 2016, écrit la Deutsche Bundesbank dans son Rapport mensuel de mars. "En effet, la transparence renforce la crédibilité des banques centrales et donc la confiance qu'elles accomplissent durablement leurs tâches en matière de politique monétaire".

Qu'est ce que l'ANFA ?

L'ANFA sert à protéger la politique monétaire. Il règle déjà depuis le début de l'année 2003 l'ampleur dans laquelle les banques centrales nationales peuvent effectuer des opérations pour leur propre compte dans le cadre des missions qu'elles accomplissent au niveau national. Parmi ces opérations figurent par exemple l’accumulation de réserves de change ou la réalisation de placements pour le régime de retraite de leur personnel, mais aussi la création de leurs propres portefeuilles à des fins générales de placement ou la collecte de dépôts provenant des administrations publiques, d'autres banques centrales ou d'institutions internationales. Dans ce cadre, les banques centrales nationales sont autorisées à acquérir également des valeurs mobilières, par exemple des titres d'emprunt d'Etats et des obligations sécurisées. Pour les délimiter des opérations de politique monétaire des banques centrales nationales réalisées en tant que membres de l'Eurosystème, ces opérations menées pour leur propre compte sont considérées comme des opérations "ne relevant pas de la politique monétaire".

Jusqu'à présent cet accord était confidentiel, raison pour laquelle la BCE et l'Eurosystème se sont vu reprocher dans des débats publics un manque de transparence. "Ainsi, les achats ne relevant pas de la politique monétaire, notamment ceux de titres d'emprunt publics des pays des banques centrales respectives, ont été mis en relation avec un financement monétaire des États interdit par les traités européens", décrit la Bundesbank les reproches dans son Rapport. "Notamment dans la mesure où l'extension de tels portefeuilles a été réalisée parallèlement à la crise des dettes souveraines en Europe". La BCE a maintenant réagi face à ces reproches par le biais de la publication de cet accord.

Le Rapport de la Bundesbank décrit la manière dont l'ANFA règle les opérations ne relevant pas de la politique monétaire réalisées par les banques centrales nationales au sein de l'Eurosystème : ainsi, l'accord leur impose des plafonds pour ce genre d'opérations. Il fixe également le volume maximum autorisé des actifs financiers nets de l'Eurosystème, terme technique utilisé de manière générale dans le cadre de l'ANFA pour désigner toutes les opérations non liées à la politique monétaire réalisées à l'actif et au passif du bilan. En termes simples, l'ANFA répartit en fin de compte le volume des opérations ne relevant pas de la politique monétaire sur les banques centrales nationales conformément à la part qu'elles détiennent respectivement au capital de la BCE.

Un accord nécessaire

Le Rapport décrit par ailleurs les raisons pour lesquelles cet accord conclu entre les banques centrales nationales il y a environ 13 ans est devenu nécessaire : l'élément déterminant a été le fait que l'on s'est rendu compte que toutes les opérations ne relevant pas de la politique monétaire avaient, en raison de leur interaction, le potentiel d'influencer la politique monétaire commune de l'Eurosystème, étant donné qu'elles peuvent modifier la position de liquidité du secteur bancaire par rapport à l'Eurosystème. Dans ce contexte, les bilans des banques centrales nationales jouent un rôle décisif.

Dès que les banques centrales procèdent à des opérations qui se reflètent dans leurs bilans, il est possible de créer de la "monnaie banque centrale", qui comporte non seulement de la monnaie fiduciaire, mais aussi des dépôts à vue, comme ceux entretenus par les banques d'affaires auprès de l'institut d'émission. En mettant à disposition une quantité plus ou moins grande de cette monnaie, les banques centrales sont en mesure d’influencer la quantité totale de monnaie dont le marché peut disposer. Lorsque les experts parlent de "liquidités" que les banques centrales mettent à disposition des banques d'affaires ou qu'elles leurs retirent, elles entendent par là la monnaie banque centrale.

Une banque centrale devrait par principe être intéressée à maintenir le secteur bancaire dans un déficit structurel de liquidités. Cela lui permet en effet de s'assurer que les banques d'affaires demandent des liquidités auprès d'elle. Lorsque tel est le cas, une banque centrale a plus de facilité à mettre en œuvre de manière ciblée ses mesures de politique monétaire, par exemple par le truchement du taux d'intérêt auquel elle octroie des crédits aux banques d'affaires et met donc à disposition des liquidités. "La gestion des taux d'intérêt à court terme par des moyens de politique monétaire est simplifiée par un déficit structurel de liquidités parce que les banques sont ainsi contraintes à se refinancer auprès de la banque centrale", décrit le Rapport de la Bundesbank ce lien.

C'est la raison pour laquelle l'Eurosystème, qui est responsable de la politique monétaire de l'Union monétaire européenne, recherche lui aussi à maintenir un déficit structurel de liquidités du secteur bancaire. Dans ce contexte, les banques centrales nationales et la BCE ont convenu au début de l'année 2003 de créer l'ANFA. Cet accord a pour but d'assurer que l'effet de liquidité des opérations menées par les banques centrales nationales dans le cadre de leurs missions nationales ne va pas à l'encontre des objectifs de l’Eurosystème en matière de politique monétaire.

Les actifs ANFA de la Bundesbank sont relativement restreints

Actifs financiers nets de la Deutsche Bundesbank et de l'Eurosystème
Dans le passé, la Bundesbank n'a détenu que relativement peu d'actifs financiers nets. Au cours de la période de 2002 à 2010, ils se sont situés, avec en moyenne 46 milliards d'euros, à un niveau plus ou moins stable. À partir de 2011, les actifs financiers nets de la Bundesbank ont sensiblement diminué. En 2015, ils ont même atteint une valeur moyenne négative de -17 milliards d'euros. Cette valeur est négative étant donné qu'en fin de compte, les postes budgétaires non liés à la politique monétaire inscrits au passif du bilan étaient supérieurs à ceux inscrits à l'actif du bilan. Ainsi par exemple, les dépôts libellés en euros et détenus auprès de la Bundesbank par des institutions et banques centrales établies hors de la zone euro ont doublé au cours de l'année pour atteindre 27 milliards d'euros.

Composants et structure des actifs financiers nets de la Deutsche Bundesbank au passif et à l'actif du bilan
D'autres banques centrales nationales ont enregistré des actifs financiers nets plus importants imputables en partie à des achats de valeurs mobilères ne relevant pas de la politique monétaire. "Les portefeuilles en valeurs mobilières ne relevant pas de la politique monétaire détenus par d'autres banques centrales nationales de l'Eurosystème ont, en tendance, un volume relativement plus élevé et donc une influence plus grande sur l'évolution de leurs actifs financiers nets", peut-on lire dans le Rapport de la Bundesbank. Le fait est que le volume total des actifs financiers nets de l'Eurosystème s'est continuellement accru entre 2002 et 2011, à savoir de 267 à 600 milliards d'euros. Ils se sont ensuite réduits et se chiffraient à la fin de l'année 2015 à 490 milliards d'euros. Finalement, leur volume s'élève fin mars 2016 à 347 milliards d'euros. 

Le fait que les banques centrales nationales sont autorisées à réaliser des opérations pour leur propre compte et à leurs propres fins même après leur adhésion à l'Union monétaire européenne est dû au cadre juridique particulier dans lequel elles opèrent : d'une part, le droit européen règle tout ce qui est nécessaire pour harmoniser la politique monétaire dans l'ensemble de la zone euro. En effet, lors de la création de l'Union monétaire, ces tâches ont été transférées au niveau communautaire. Les opérations réalisées dans ce cadre sont par exemple des opérations d'open market menées par les banques centrales nationales sur mandat de l'Eurosystème. D'autre part, les banques centrales nationales sont toutefois autorisées à accomplir des tâches qui découlent de la législation nationale respective, à condition qu’elles n’interfèrent pas avec la politique monétaire.

Bien que les banques centrales nationales apportent une contribution importante à l'Union monétaire, elles demeurent autonomes en ce qui concerne la réalisation des tâches ne relevant pas de la politique monétaire. Ainsi, la Bundesbank sert de banque attitrée de l'État fédéral, ce qui fait qu'une hausse ou un retrait de dépôts des administrations publiques influencent son bilan. De plus, elle gère les réserves de change nationales, qui comptent à la fois des réserves en or et des réserves de change ainsi que des créances vis-à-vis du Fonds monétaire international.

Vous trouverez de plus amples informations, également dans le contexte de la politique monétaire expansive menée actuellement par l'Eurosystème, dans l'étude "Zur Bedeutung und Wirkung des Agreement on Net Financial Assets (ANFA) für die Implementierung der Geldpolitik" (Importance et effet de l’Accord sur les actifs financiers nets (ANFA) sur la mise en oeuvre de la politique monétaire) publiée dans le Rapport mensuel du mois de mars 2016 de la Bundesbank (pages 87 à 97).