Lagarde : Des efforts coordonnés indispensables pour assurer une résolution durable de la crise

La directrice du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a tenu, le 5 avril 2016, à l'Université Goethe de Francfort-sur-le-Main, un discours intitulé "Decisive Action to Secure Durable Growth“ ("Des mesures résolues pour assurer une croissance durable"). Ce discours marque la levée de rideau des Réunions de printemps du FMI, qui se tiendront du 15 au 17 avril à Washington.

Dans son discours, Mme Lagarde a évoqué Johann Wolfgang von Goethe, qui selon elle, était non seulement un illustre poète et écrivain, mais aussi un homme d'État et "internationaliste". Ce constat a mené Mme Lagarde aux thèmes principaux de son discours, à savoir interconnexion, internationalisme et coopération. Elle estime que compte tenu notamment des récents événements, la solidarité et la coopération sont d'une importance décisive pour surmonter les défis actuels. Dans la perspective des Réunions de printemps qui se tiendront prochainement, l'état de l'économie mondiale sera au coeur des discussions des 188 pays membres du FMI. Ces discussions seront basées sur les derniers résultats des Perspectives de l'économie mondiale du FMI, qui seront publiées la semaine précédant les Réunions.

"Nous ne sommes pas en crise"

Au début de son discours, Mme Lagarde a donné un aperçu de l'évolution générale et a attiré l'attention sur le fait que d'importants progrès ont été réalisés depuis la crise financière : selon elle, la reprise continue et la croissance est là. Toutefois, une série de facteurs influencerait les perspectives globales : le ralentissement relatif de la Chine, le recul des prix des matières premières et le durcissement financier pour de nombreux pays. En raison de la faiblesse persistante de la croissance, il existerait un risque d'effets négatifs autoentretenus et d'une "nouvelle médiocrité". Selon elle, la politique doit relever les défis et agir ensemble afin de renforcer la confiance internationale, ce qui aurait des effets positifs considérables sur l'économie mondiale.

Risques de détérioration économique

 Même si le climat économique s'est amélioré depuis le début de l'année, Mme Lagarde a prévenu qu'il ne fallait pas être complaisant. Elle perçoit une série de risques tant pour les économies avancées qu'émergentes. Les pays industrialisés luttent selon elle toujours contre les séquelles de la crise telles qu'un niveau élevé d'endettement, la faiblesse de l'inflation et de la productivité et, pour certains, un chômage trop élevé. Les pays émergents seraient de plus en plus fragilisés par le recul des prix des matières premières, le gonflement de l'endettement des entreprises et la volatilité des flux de capitaux. Dans ce contexte, Mme Lagarde a fait observer que les risques ne devaient pas être considérés de façon isolée, étant donné qu'ils présentent tous une dimension macrofinancière, ce qui pourrait – si les conditions sont défavorables – créer des réactions en chaîne avec une dégradation des bilans souverains. En outre, ces risques pourraient entraîner des retombées se répercutant au-delà des frontières avec une fréquence et une intensité accrues. Mme Lagarde a cité des résultats d'études menées par le FMI, selon lesquelles les retombées en provenance des pays émergents ont augmenté ces dernières années.

Des mesures structurelles ainsi que de politique budgétaire et monétaire coordonnées

Compte tenu des défis qui se posent tant au niveau national que mondial et de la fragmentation croissante, Mme Lagarde a souligné l'importance d'une coopération plus étroite. "Notre priorité doit être d'affermir la reprise et de poser les bases d'une croissance à moyen terme plus solide et plus équitable." Pour cela, il conviendrait de prendre différentes mesures dans trois domaines : des réformes structurelles plus spécifiques, une politique budgétaire plus favorable à la croissance et un meilleur soutien aux mesures de politique monétaire dans les domaines précités.

Dans la perspective des réformes structurelles prévues, Mme Lagarde a appelé à ce que les engagements pris par le G20 d'augmenter jusqu'en 2018 le PIB mondial de 2 % soient mis en oeuvre dès 2016. Pour cela, des réformes ciblées doivent être réalisées dans les différents pays. À ce titre, elle a cité des exemples concrets : aux États-Unis, élargissement du crédit d'impôt sur les revenus du travail, hausse du salaire minimum fédéral et augmentation des prestations favorables aux familles. Pour la zone euro, elle a demandé de se doter de meilleures politiques de formation et d’adaptation au marché de l’emploi. Aux exportateurs de matières premières, elle a recommandé une diversification accrue. Ces mesures devraient être prises sans plus tarder et être accompagnées de mesures budgétaires et monétaires appropriées, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne la politique budgétaire, la plupart des pays dispose encore, selon elle, d'une marge de manœuvre permettant de prendre des mesures plus favorables à la croissance. Il incombe notamment d'améliorer l’efficience des dépenses publiques. Cela pourrait signifier que des dépenses devraient être transférées dans des secteurs plus efficaces. Des dépenses supplémentaires pour les infrastructures et l'innovation recèlent, selon Mme Lagarde, également un potentiel important. Se référant à des études menées par le FMI, elle a déclaré qu'une augmentation des investissements privés en recherche et développement de 40 % entraînerait dans les pays avancés une hausse du PIB de 5 %.

En ce qui concerne la politique monétaire, Mme Lagarde a déclaré que les mesures accommodantes de politique monétaire ont rendu un service inestimable en accompagnant la reprise mondiale. Elle a toutefois souligné que la politique monétaire, à elle seule, ne peut pas garantir la reprise. Pour être efficace, celle-ci doit s’appuyer sur des réformes structurelles et des mesures de politique budgétaire.

Des défis à l'échelle mondiale nécessitent une coopération internationale

Mme Lagarde a appelé à un renforcement de la coopération internationale pour fixer des priorités, notamment en matière de promotion du commerce mondial. Il convient selon elle de faire avancer les réformes dans le domaine de la régulation du marché financier et de lutter contre le changement climatique et la corruption. En tant qu'élément de la coopération internationale, elle a insisté – en citant notamment le Conseil de stabilité financière, le Mécanisme européen de stabilité et le G20 comme exemples d'une approche commune – sur l'importance du FMI et a souligné la révision déjà intervenue des instruments de surveillance et de prêt ainsi que le renforcement de ses ressources, qui font tous partie d'un "filet de sécurité mondial". Mme Lagarde a aussi indiqué quels aspects devraient être examinés au cours des prochains mois, à savoir l'ampleur du filet de sécurité, la facilitation de l'accès à ce filet et l'amélioration de la réactivité face à des nouveaux défis susceptibles d'affecter le système monétaire international.

Pour conclure son discours, Mme Lagarde a de nouveau cité Goethe pour renforcer son appel à agir : "Savoir ne suffit pas, nous devons disposer ; vouloir ne suffit pas, nous devons agir."

Weidmann : Le FMI indispensable aux programmes de sauvetage

Mme Lagarde s'est exprimée à l'Université Goethe de Francfort-sur-le-Main sur invitation de la Deutsche Bundesbank en coopération avec le Research Center SAFE et le Center for Financial Studies. Dans sa brève introduction, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a honoré la directrice du FMI comme une des personnes les plus influentes au monde et l'a remercié d'avoir accepté l'invitation de se rendre à Francfort. À cette occasion, M. Weidmann a également souligné à quel point les évaluations indépendantes réalisées par le FMI ont été, ces dernières années, importantes pour les pays de la zone euro dans leur lutte contre la crise économique.