"Une politique monétaire commune a besoin de marchés financiers intégrés"

Le président de la Bundesbank Jens Weidmann a réclamé une intégration plus marquée des marchés financiers européens. "Une politique monétaire commune a besoin de marchés financiers intégrés", a-t-il déclaré dans un discours prononcé à l’occasion de la journée Eurobörsentag 2015 à Francfort. Il faut en particulier continuer d’améliorer certains aspects afin de rendre le système financier, dans son ensemble, mieux résistant aux crises.

Pas d’assurance gratuite

En ce qui concerne le système bancaire, M. Weidmann a réclamé de meilleures exigences de fonds propres afin d’éviter la faillite de banques d’importance systémique. Il n’est pas question que la garantie soit apportée gratuitement par l’État, les banques d’importance systémique devant tout particulièrement contribuer elles-mêmes davantage à se protéger contre un accident par l’accroissement de leur capital propre. Ce dernier doit être défini en fonction de la taille de l’établissement : "Selon moi, une exigence de capital propre qui s’orienterait également sur la taille du bilan est donc absolument nécessaire", a déclaré M. Weidmann en lien avec l’introduction obligatoire du soi-disant Leverage Ratio à partir de 2018.

Un chemin difficile pour les banques centrales

Mais ces exigences accrues ne permettront pas d’éviter entièrement la faillite de banques. C’est en soi une bonne chose, dit le président de la Bundesbank car la possibilité d’une faillite fait partie de l’essence de l’économie de marché. M. Weidmann a rappelé dans ce contexte la situation dans laquelle la mise à disposition généreuse de monnaie de banque centrale ne permet pas seulement de parer à des problèmes provisoires de trésorerie mais maintient en vie des banques en faillite durant des périodes plus longues. "Plus la banque centrale garantit les risques des banques et plus elle leur promet un financement de banque centrale dans des situations douteuses, plus les incitations seront fortes à prendre des risques excessifs", dit M. Weidmann. Les banques centrales marchent sur la corde raide : une mise à disposition trop restrictive de liquidités peut transformer une étincelle en incendie. Une mise à disposition trop généreuse, maintenant en vie des établissements sans concept d’activité, peut par contre aboutir à ce que les dégâts provoqués par l’eau soient plus graves que ceux provoqués par les flammes.

Dans le cadre de la réforme du système financier en Europe, il convient donc de veiller à mettre en place des systèmes de résolution qui fonctionnent, dit M. Weidmann. L’introduction de l’Union bancaire et la promulgation des règles de résolution représentent déjà un pas dans la bonne direction. Il reste un pas important à accomplir selon le président de la Bundesbank : la définition de normes pour les dettes que l’on peut accepter de passer en pertes en cas de bail-in. Il s’agit de règles fixant la part du capital emprunté des créanciers qui peut être mise à contribution pour redresser ou liquider une banque. Un premier projet de loi a certes été déposé mais il faut aller plus loin, dit le président de la Bundesbank.

L’absence de récompense pour une politique fiscale saine

Dans son discours, M. Weidmann a déclaré son opposition à faire jouer aux banques centrales le rôle de prêteur aux États. "Lorsque la politique monétaire donne le signal qu’elle est prête à intervenir en cas de doute sur la solvabilité d’un État, elle risque d'abandonner le contrôle sur l’évolution des prix", dit le président de la Bundesbank. La confiance, une fois perdue, ne sera reconquise que difficilement et à un prix élevé. De plus, en jouant le rôle de prêteur pour l’État, une banque centrale annule l’effet disciplinant des marchés financiers. "Une mauvaise politique fiscale n’est alors plus sanctionnée et une bonne politique fiscale n’est plus récompensée par de faibles coûts de financement", dit M. Weidmann. Cela est particulièrement problématique dans une union monétaire car les incidences d’une telle politique budgétaire déficiente peuvent être partiellement reportées sur les autres membres. L’Eurosystème n’a pas reçu le mandat de répartir les risques fiscaux entre les États membres. "Cela doit rester la décision des parlements et des gouvernements des pays de la zone euro", explique M. Weidmann.

Il a souligné qu’il existe déjà un prêteur en dernier ressort pour les États de la zone euro, c’est le Mécanisme européen de stabilité financière (MES). Les créanciers actuels ne doivent cependant pas être déchargés de toute responsabilité, dit M. Weidmann qui a rappelé une proposition faite par la Bundesbank de prolonger automatiquement de trois ans la durée de toutes les obligations dès qu’un État demande à profiter d’un programme du MES. Si l’État concerné n’a toujours pas accès au marché des capitaux à la fin de cette période, les obligations doivent alors être restructurées afin de rétablir la solvabilité de l’État. "L’important est que les pertes occasionnées puissent également être supportées par les détenteurs des obligations sans que le système financier ne s’effondre", a précisé M. Weidmann. Les détenteurs de ces obligations, dans l’Eurosystème, étant souvent des banques, le traitement légal privilégié accordé aux obligations d’État doit être aboli "le plus tôt possible".

Un soutien pour la stabilité financière

Le président de la Bundesbank s'est également prononcé en faveur d'une forte intégration des marchés des fonds propres. Ceci pourrait aider à mieux amortir les chocs que par le passé et donc à améliorer le partage des risques en Europe. "C'est pour cette raison que l'union du marché des capitaux est aussi importante pour la politique monétaire", dit M. Weidmann. Il existe de nombreux éléments pour améliorer l'intégration des marchés du capital : La Bundesbank mentionne notamment le marché pour la titrisation de qualité, le financement communautaire ou, à plus longue échéance, l'harmonisation au niveau européen du droit des faillites.

L'évolution des marchés des fonds propres souffre aussi du traitement fiscal préférentiel du capital emprunté par rapport aux capitaux propres. Actuellement, les paiements d'intérêts sont déductibles des impôts mais pas les coûts liés aux fonds propres. "L'élimination de cette distorsion encouragerait les entreprises à renforcer leurs fonds propres", selon M. Weidmann. L'effet serait positif sur les banques par exemple, les rendant moins sensibles aux crises. "La fin du traitement fiscal préférentiel du capital emprunté pourrait ainsi se révéler être un soutien important pour la stabilité financière et soulager durablement la puissance publique", dit le président de la Bundesbank.