"Il n'y a aucun danger de déflation"

Au vu du niveau actuellement bas de l'inflation dans la zone euro, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a mis en garde de ne pas céder à la précipitation. L'effondrement des prix de l'énergie constitue "un programme conjoncturel non négligeable" a-t-il indiqué dans une interview accordée à l'hebdomadaire "Der Spiegel", publié le 2 octobre 2015.

Selon l'avis du président de la Bundesbank, le faible taux d'inflation n'est pas une raison pour relâcher les rênes dans le domaine de la politique monétaire. "Mon conseil est de ne pas céder à la précipitation et de maintenir le cap" a-t-il indiqué dans ce même entretien. Et il a ajouté que les signaux émanant dernièrement des indicateurs conjoncturels des pays de la zone euro étaient plutôt positifs et que l'on peut actuellement constater une phase de reprise modérée et un recul du chômage.

M. Weidmann s'attend à ce que la hausse des prix restera très faible au cours des prochains mois et que le taux d'inflation pourra même devenir négatif. Il estime qu'à moyen terme, l'inflation se rapprochera de nouveau de l'objectif d'un taux en dessous mais proche de 2 %. Il a notamment souligné qu'"il ne s'agit en aucun cas d'une déflation au sens d'un glissement autonome et déstabilisateur des prix" et expliqué que "le taux d'inflation actuellement très bas est principalement dû à la baisse du prix du pétrole". Or, l'influence de ce dernier sur le taux de renchérissement ne sera que passager.

Il a ajouté que l'effondrement des prix de l'énergie a pour conséquence que rien qu'en Allemagne, les consommateurs et les entreprises disposent maintenant de près de 25 milliards d'euros de plus, ce qui, à ses yeux, constitue déjà un programme conjoncturel non négligeable. "Je ne vois actuellement aucune raison pour laquelle la banque centrale devrait y ajouter" a-t-il souligné.

Retour à la normale des taux de croissance en Chine

Malgré le ralentissement de l'économie en Chine, M. Weidmann s'est montré optimiste quant à un renforcement de la reprise économique en Europe. "Je vois en Chine surtout une normalisation de taux de croissance élevés, peut-être même trop élevés" a-t-il remarqué. Selon lui, il ne s'agit pas forcément d'un effondrement, mais plutôt d'un ralentissement que l'on peut également observer dans d'autres pays émergents.

Pour M. Weidmann, l'évolution en Chine constitue l'une des raisons pour lesquelles la Réserve fédérale (Fed) hésite à augmenter les taux d'intérêt, étant donné que les évolutions à l'étranger jouent un rôle dans les décisions en matière de politique monétaire. À son avis, les banques centrales devraient strictement respecter leur mandat. Dans le cas de la Fed, celle-ci doit donc tenir compte à la fois de l'inflation et du marché du travail aux États-Unis.

Actuellement, l'activité économique aux États-Unis se rétablit et la Réserve fédérale a donc fait comprendre que les taux d'intérêt pourraient augmenter prochainement, a indiqué M. Weidmann. "Ce qui est déterminant, c'est que les différents acteurs ont eu suffisamment de temps pour s'y préparer. Les pays émergents notamment ont eu tout intérêt à se préparer à une augmentation des taux d'intérêt et à des sorties de capitaux, d'autant plus qu'ils avaient profité auparavant du faible niveau des taux engendré par des entrées de capitaux" a fait remarquer M. Weidmann.

En ce qui concerne l'évolution en Allemagne, il a mis en garde contre une mauvaise politique économique qui ralentirait la croissance. À titre d'exemple, il a cité "une politique en matière de retraites qui enlève de la main-d'œuvre au marché du travail".

Insouciance face aux déficits budgétaires

De l'avis du président de la Bundesbank, l'Europe n'a pas encore entièrement surmonté la crise. "Les pays de la zone euro doivent poursuivre leurs efforts pour parvenir à des finances publiques solides" a averti M. Weidmann dans l'interview. Or, l'Italie semble vouloir reporter l'assainissement de son budget. Mais cela n'est pas un cas unique, a indiqué M. Weidmann. "Ce qui m'inquiète, c'est la manière dont de nombreux gouvernements européens traitent leur déficit budgétaire et semblent compter sur la politique monétaire".

Le nombre élevé de réfugiés qui parviennent en Europe ne constitue pas, selon l'avis de M. Weidmann, une raison pour assouplir le pacte de stabilité. Dans la plupart des pays, les frais réels devraient rester dans des limites raisonnables. "Je vois plutôt le problème que l'on n'arrête pas de chercher des justificatifs pour pouvoir reporter les mesures de consolidation" a indiqué M. Weidmann.

Compte tenu du fait que les règles convenues en matière d'endettement ne sont pas respectées, le président de la Bundesbank a critiqué la Commission européenne en tant que gardienne des traités européens. "Si la Commission se voit surtout dans un rôle politique et se considère appelée à négocier des compromis entre les États membres, la surveillance budgétaire n'est plus entre les bonnes mains" a-t-il averti. À son avis, les tâches de la Commission ayant trait aux règles budgétaires devraient être transférées à une autorité budgétaire indépendante. Les ministres des Finances continueraient finalement à prendre les décisions, mais une telle solution permettrait d'éviter que la rigueur budgétaire soit assouplie dès le départ.